Simonin, Dac, Audiard, etc

On fait souvent l’analogie entre ce qui évolue en bien et le vin : il est comme le bon vin, dit-on. C’est que le Français aime le picrate, c’est une vérité première, depuis le quart de rouge jusqu’aux cuvées prestiges. Mais, s’il y a peu d’espoir de voir s’amender un cubi de Villageoise, inversement, lorsqu’on est amené à goûter un Chambol-Musigny, un Sauterne ou un Gewurtz, on part d’assez haut pour en apprécier toutes les subtilités dès le départ, et on s’émerveille de constater qu’on peut toujours être agréablement surpris.
Cette analogie, je vais me l’autoriser pour vous parler d’un roman que je viens de finir, le dernier d’une série que l’auteur a déjà rédigée fort habillement. Il n’est jamais facile de critiquer une personne, d’autant qu’il s’agit d’un très bon ami, et quand finalement il n’y a pas grand-chose à critiquer. En tournant la dernière page de Droit Dans le Mur, j’ai pu mesurer combien Nick Gardel avait réussi à créer un univers cohérent tout au long de ses différents romans. Il suffirait finalement de supprimer les couvertures, de supprimer les titres à la limite ou d’en faire des parties, pour ne constituer qu’une seule et même histoire où tous ses personnages viendraient se lier, se substituer, s’ajouter les uns aux autres. Indépendamment de la qualité intrinsèque de chaque livre, c’est cette cohérence de « l’univers Gardelien » (et tant pis si ce diable d’homme attrape le melon, nous faisons tous partie des Adorateurs du Grand Melon) qui force le respect.
Alors, Droit Dans le Mur, c’est quoi ? Une histoire bien barrée comme seul Nick Gardel sait les écrire. Un vigile à la retraite qui vient s’installer dans la campagne profonde du fin fond des Vosges (je connais pour y avoir un peu bossé), qui se lie d’amitié avec un excentrique sujet de sa majesté chercheur de trésor sur son terrain, et se met à dos une secte qui, sous couvert d’illuminés adorateurs de la copulation à rendre jaloux un Bonobo, cache de plus sombres desseins. Une histoire que n’aurait pas reniée en son temps un Pierre Dac, un Audiard ou même un Jean Yanne, grands créateurs de l’absurde noir et grinçant. En digne successeur d’Albert Simonin, Nick Gardel emmêle donc ses personnages dans un joyeux foutoir, entre franche poilade et moments plus tragiques. Effectivement, les macchabées s’entassent rapidement dans ce qui est pour moi le roman qui résume le mieux les qualités de l’auteur. A l’heure où Fourbi Etourdi ressort chez Caiman, il faut se précipiter sur ce grand moment d’humour noir.
Alors Nick Gardel, bon comme du bon vin ? Oui certes. Ce Droit Dans le Mur est Exceptionnel. Savourez-le lentement. Nick m’a dit un jour que j’étais agaçant. Je lui retourne aujourd’hui le compliment.