J'avoue bien volontiers une passion immodérée pour le polar scandinave, en littérature comme en cinéma ou en séries télévisées. Et Jo Nesbo est un écrivain que je trouve souvent inspiré, peut-être parce que je me sens partager avec lui une certaine vision de l'humanité, dont je m'amuse à identifier les sources dans une passion commune pour le Rock. Pourtant, je ne trouve sa saga "Harry Hole" que simplement divertissante : bien écrite, amusante, et surtout s'appuyant sur une grande curiosité envers le monde, et les autres, ce qui n'est pas si courant. Mais là, avec ce "Sang sur ma Neige", curieusement baptisé "Du Sang sur la Glace" en français pour quelque obscure raison, Nesbo m'a cueilli en plein cœur, au point que, après moins de deux heures de lecture effrénée, j'ai refermé ce court thriller en me disant : "Mince, c'est l'un des livres les plus forts et les plus émouvants que j'aie lu depuis bien longtemps." Pas moins. Pourtant, il s'agit avant tout d'un exercice de style autour du polar "noir" US, de la déclinaison en Norvège de la plus vieille histoire du genre, celle du tueur à gages dont le dernier contrat foire parce qu'il tombe éperdument amoureux de sa victime, et qui se met dans une situation inextricable dont il ne pourra sortir (ou non) qu'à travers un bain de sang général. Bon, pas de quoi crier "venez voir", sauf qu'en bon professionnel du thriller contemporain, Nesbo nous scotche avec une suite de surprises bien amenées qui font dérailler à chaque fois le train de la fiction trop prévisible, et maintiennent une tension remarquable. Mais même cette habileté narrative n'est finalement pas ce qui importe vraiment dans ce bouquin par ailleurs magnifiquement écrit : non, c'est le personnage extraordinaire d'Olav, tueur à gage sentimental et dyslexique, amateur de Victor Hugo, de poésie et de philosophie (trouvez l'erreur...!), qui emporte complètement notre adhésion, qui devient en quelques pages une sorte d'alter ego, non mieux, de petit frère du lecteur, qu'on a envie de protéger contre le désastre absolu et inévitable (on est dans les archétypes du roman noir, oui...) qui s'avance. Et la double conclusion, certes très conceptuelle, très contemporaine dans la manière dont le récit nous manipule, que Nesbo nous offre, est absolument soufflante, bouleversante, et élève encore "Du Sang sur la Glace" un cran au dessus.
PS : On annonce apparemment une adaptation cinématographique de cette petite merveille. Attention, nous, amoureux de ce livre, serons intraitables quant à la qualité du film !
[Critique écrite en 2016]