Du Spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier par Rvd-Slmr

Ouvrage majeur pour les avant-gardes du début XXe, du Spirituel dans l'Art m'a laissé radicalement mitigé. Sa séparation en deux grands axes, que j'ai appréciés très différemment, y est pour beaucoup.

D'abord Kandinsky nous livre sa vision du monde dans laquelle l'art est seul facteur d'élévation spirituelle. Mentionnant Blavatsky et Péladan, il ne cache pas ses influences ésotériques bien en vogue à cette époque. Mais au final, à la manière de Julius Evola, lui aussi peintre et surtout philosophe issu de ce bouillonnement d'occultisme, il décrit un monde où les hommes sont hiérarchisés selon leur sensibilité spirituelle, tout en étant incapable de décrire précisément de quoi il s'agit.

Intuitions, sensibilité, échos de grandeur... Ces attributs hautement subjectifs sont balancés sans grande précaution pour justifier d'une vision d'une société en pyramide au sommet de laquelle siègeraient les vrais artistes. Je suis désolé mais quand on enrobe ses thèses d'autant de décorum philosophique sans être capable de définir précisément ses éléments de langage, et bien chez moi ça ne passe pas, ce n'est juste pas possible.

Par contre Kandinsky consacre le reste de son livre à nous livrer les clefs de son œuvre, son rapport aux couleurs en particulier et ça se révèle très intéressant. Au fond Kandinsky est obsédé par la musique et semble clairement souhaiter pouvoir à terme livrer un vrai solfège de la couleur (même si avec l'exemple de Léonard de Vinci il semble s'en défendre). Mais là encore il généralise de force ce qui n'a de sens que dans sa peinture personnelle et nous laisse la désagréable impression qu'il pense détenir une vérité universelle.

Cela le conduit à dire par ailleurs des énormités sur l'art de l'antiquité : l'anonymisation des statues égyptiennes provoquerait selon lui la libération de leur sens profond et universel, d'où notre fascination pour elles. Il oublie complètement l'impact culturel qu'a le contexte de ces œuvres : une statue déposée dans la vitrine d'un musée et présentée comme antique aurait toujours plus d'effet que ses reproductions alignées sur les étals des souks, bien que leur forme soit identique. Si l'on remplaçait la statue antique par une copie, 99% des visiteurs n'y verraient que du feu et les théories de Kandinsky ne pourraient que s'effondrer.

Pour ceux qui s'intéressent à l'art du début XXe ce livre reste néanmoins évidemment incontournable, pourtant il ne faut pas s'attendre à une lecture forcément agréable ni convaincante.
Rvd-Slmr
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le 26 févr. 2011

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