Dune
8.1
Dune

livre de Frank Herbert (1965)

Qu'on aime ou pas Dune est un livre à lire. J'en fais alors une petite analyse puis critique pour comprendre au mieux la profondeur de cette oeuvre.

En lisant Dune on comprend qu’on lit un livre de science-fiction à part. Premièrement c’est un des rares romans de science-fiction sans robots ni intelligence artificielle et deuxièmement beaucoup de grands romans de science-fiction du XXe siècle utilisent le mécanisme de l’utopie ou de la dystopie comme par exemple 1984 d’Orwell ou Le meilleur des mondes d’Huxley à la différence de Dune.

Un point très intéressant dans cet ouvrage est que Herbert, qui a voulu créer un univers typique, est allé jusqu’au bout des choses en inventant tout un vocabulaire spécifique à Dune. Cela donne une dimension plus réelle à ce livre. De plus Herbert a porté une grande précision à l’élaboration de ces mots puisqu’ils ont tous un sens. Par exemple le terme « Bene Gesserit » vient du latin : bene qui signifie « bien » et gesserit du verbe gero (« agir, se comporter ») conjuguée au futur antérieur. On pourrait donc traduire Bene gesserit par « [celle qui] se sera bien comportée ».

Ce livre à en plus une dimension politique. L’épice qui est convoitée et exploité est une représentation du pétrole et des tensions liées autour de son exploitation. De plus ce roman traite un sujet très débattu et actuel (avec le développement de la biotechnologie) qui est le transhumanisme représenté notamment avec les Bene Gesserits.

Un point très intéressant est que Herbert critique la religion de manière assez affichée. La foi chez Herbert est soit fausse, soit fanatique : les Fremen glisse dans le fanatisme au contact de Paul-Muad’Dib. Un autre exemple est la Missionaria Protectiva, une entreprise des Sœurs du Bene Gesserit qui consiste à implanter chez les peuples des croyances religieuses qui pourront être utilisées plus tard pour les influencer ou pour atteindre leur but mystérieux. Ainsi, Herbert nous présente la religion comme une construction sociale : la foi est une arme ou un outil.

De plus il y a une dimension philosophique notamment avec la question de liberté. Dans l’univers de Dune, la liberté est rare, terriblement rare. Pour commencer, les personnages vivent dans un empire despotique et autoritaire, dirigé par un empereur puissant et reposant sur des armées sanguinaires, les Sardaukars. Paul représente une certaine quête de liberté : il cherche à la sauvegarder face aux Harkonnen, ceux qui occupent Arrakis et ont tué sa famille, il rejoint les Fremen, dont le nom signifie de manière transparente « les hommes libres » (free men), pour lutter avec eux pour leur liberté.

Mais en réalité on peut penser que Paul n’est pas libre. Même s’il possède une liberté de penser, de se déplacer, de se battre et d’aimer, il est enchaîné à son destin : Dès le commencement du roman une Bene Gesserit annonce que le sort de son père (la mort), est déjà scellé, et que rien ne peut l’empêcher. Paul ne veut pas se soumettre à cette idée, il croit en la liberté des choix et l’absence de choses réellement prévisibles mais il n’a pas pu empêcher l’accomplissement du destin annoncé. D’ailleurs il en va de même pour le lecteur puisque tout le livre est assez prévisible comme s’il était prédéterminé. De plus plusieurs passages sont divulgâchés tel que la mort du père annoncé dès le départ ou le destin de prophète de Paul rapidement saisi grâce aux épigraphes.

Enfin le point central de ce roman est le thème de l’écologie. Alors que l’épice est la ressource la plus rare de l’univers, et donc la plus recherchée et exploitée, c’est bien l’eau qui est au centre du récit : les Fremen qui ont une vie de souffrance d’être constamment en recherche d’eau veulent changer Arrakis en une planète où les déserts auraient disparu et où l’eau ne serai plus aussi rare. Or la transformation écologique d’Arrakis est un cauchemar pour tous les autres humains : Si Arrakis perd ses déserts, alors l’épice disparaît. Globalement ce roman traite de la transformation des écosystèmes, du manque progressif des ressources majeures et des conflits et tensions que cela provoque.

Avis personnel :

Personnellement j’ai été partiellement conquis par ce livre pour lequel j’avais beaucoup d’attente en vue de ses critiques. J’ai trouvé la temporalité des parties assez peu compréhensible. Ainsi la première partie est assez longue voire ennuyeuse et la dernière partie pourtant centrale est bien trop rapide. En effet la première partie pose le décor et les (nombreux) personnages, en plus d’être compliqué (beaucoup de personnages aux noms compliqués) cela est inutile puisque à la fin de cette partie presque tous meurent. Il en vient alors à se demander l’intérêt de cette première partie (même si elle comportait quelques passages très intéressants). A l’inverse dans la dernière partie aurait pu être représenté un affrontement épique entre les fremens dirigés par Paul et l’empereur, mais cette révolte a été assez brève et peu marquante. De plus comme je l’ai fait remarquer le roman est assez prévisible et je n’ai pas compris l’intérêt de divulgâcher certains évènements.

Cependant il y a du positif puisque j’ai aimé l’univers désertique, le souci des détails (invention d’un vocabulaire particulier très travaillé) certaines scènes restent tout de même marquantes (personnellement le chevauchement d’un vers géant) et enfin la profondeur de ce roman qui porte des réflexions sur différent thèmes (politique, religieux, écologique…).

J’aimerais finir sur un passage du livre qui montre la force d’écriture de F. Herbert :

« Tous ces visages bavards l’écœuraient soudain. Ce n’étaient que des masques dérisoires appliqués sur des pensées infectes et les voix essayaient en vain de dominer le profond silence qui régnait dans chaque poitrine. » On comprend alors que dans le monde royal du début du livre Paul ne se trouve pas à sa place, place qu’il trouvera chez les fremens, peuple moins instruit certes mais bien plus riche de sagesse.

black_dune
7
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le 10 oct. 2022

Critique lue 36 fois

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