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L’économie du cinéma est marquée par l’incertitude. La demande apparaît dans une large mesure non identifiée, le spectateur se trouve dans une situation d’hyper-choix, les acteurs et les réalisateurs ne valent souvent pas plus que les retombées de leur dernier film. Cela permet certainement d’expliquer le succès des franchises et des reboots, mais aussi les raisons pour lesquelles certains acteurs, à l’image de John Travolta, ont connu de soudaines traversées du désert après des moments de gloire. En outre, un long métrage est un bien d’expérience : le consommateur n’est en mesure d’en déterminer la valeur qu’après l’avoir visionné et les producteurs demeurent dans une position aveugle jusqu’au moment de sa mise sur le marché. À cet égard, le marketing, la publicité, les festivals ou encore les critiques offrent un moyen au film de se distinguer dans un environnement hyper-concurrentiel.
Dans leur opuscule, Philippe Chantepie et Thomas Paris analysent de manière succincte mais panoptique les tenants et aboutissants d’une économie singulière. Ils évoquent la prime à l’innovation, les talents substituables et non substituables, les biens durables (l’exemple des Dents de la mer est cité, avec ses rediffusions télévisées ou ses nouvelles versions DVD/blu-ray), la chaîne de micro-décisions aboutissant à la création d’un film, les ressources rares (lieux de tournage, talents dont on optimise le temps, équipements spécifiques, etc.), les cessions de droits patrimoniaux, les rémunérations forfaitaires et proportionnelles établies à chaque exploitation, la chronologie des médias, l’évolution et l’état actuel des majors, qui réalisent aujourd’hui à elles cinq 85% du marché nord-américain et 56% du marché mondial…
Les auteurs évoquent la concurrence de la télévision, des magnétoscopes et maintenant des plateformes numériques. Avec la taille grandissante des écrans, le 4K, l’ultra HD ou l’amélioration des capacités sonores des appareils, le domicile a tendance à se substituer à la salle de cinéma (qui demeure toutefois un rituel et une expérience uniques). Avènement du parlant, de la couleur, des effets spéciaux, de la 3D : à chaque étape technologique, le cinéma a connu des bouleversements économiques notables. Aujourd’hui, c’est le numérique et les services over the top (accessibles en fixe ou en mobile) qui posent un défi de taille à l’industrie cinématographique et aux salles de projection. Ce n’est évidemment pas un hasard si les auteurs reviennent longuement sur Netflix, ses charges fixes (développement, maintenance) et variables (achat de la bande passante), mais aussi sa capacité à amortir ses frais sur un nombre potentiellement illimité de consommateurs. Les pixels ont été des chevaux de Troie et le numérique a entraîné le cinéma dans une transformation significative de son économie. Ses formes de consommation ont été durablement modifiées, avec une globalisation de la diffusion et la fin des contraintes de temps.
L’ouvrage contient en outre bon nombre d’encadrés thématiques. Cela va de Walt Disney Company, première major mondiale du divertissement, au cinéma à l’heure du Covid, avec ses conséquences économiques sous-jacentes, en passant par le copyright et le droit moral. Le financement du cinéma est longuement discuté : il s’est d’abord établi sur fonds propres, de plus en plus en coproduction, aidé par des réductions fiscales ou des aides publiques, avant de se tourner vers l’endettement, en recourant parfois à des banques spécialisées, des assureurs ou encore des fonds de pension. Sur l’intervention des pouvoirs publics dans le financement des films (crédits d’impôt, Tax Shelter, etc.), Philippe Chantepie et Thomas Paris rappellent les justifications économiques mais aussi les principes du soft power.
Économie du cinéma est un entrée en matière idoine, à défaut d’être encyclopédique. Sa place dans la collection « Repères » constitue d’ailleurs un bon indicateur quant à ses visées didactiques. L’opuscule comporte des passages où le spectre s’élargit et où il s’intéresse plus spécifiquement aux grands marchés du cinéma (Hollywood, Bollywood, Nollywood, Hallyuwood, etc.), aux pays ouverts aux délocalisations des activités cinématographiques, ou aux accords, de plus en plus nombreux, entre des firmes chinoises et des sociétés-phares telles que Netflix, Warner, Disney ou Universal. Car, Philippe Chantepie et Thomas Paris ne manquent pas de le souligner, l’industrie cinématographique chinoise est sortie gagnante d’une ouverture contrôlée imposée par l’OMC. C’est sans doute un défi de plus posé aux studios occidentaux.
Sur Le Mag du Ciné
Créée
le 7 avr. 2021
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