Que de choses en dans un livre pas si épais que cela !!
L’absurdité de la guerre dans toute sa splendeur. Oui, la victoire se construit de défaites. Cette affirmation tourne en boucle dans le livre de Laurent Gaudé à travers Assem Graïeb, agent des services secrets français, Mariam, archéologue irakienne, spécialisée dans les œuvres archéologiques volées et revendues, Sullivan Sicoh, militaire américain.
Assem Graïeb part pour une nouvelle mission « A chaque mission il a laissé un peu de lui-même. Alors il se demande, là, à l’arrière de son taxi, quelle sera cette fois la part qu’il devra donner au vent ». Il doit approcher Sullivan Sicoh, parti en vrille-il a fait partie des soldats qui ont neutralisé puis tué Ben Laden à Abbottābād- et décider sa « neutralisation » ou son retour aux Etats-Unis.
Pour étayer ce roman, l’auteur nous emmène sous les pas d’Hannibal marchant vers Rome, le capitaine Grant, « héros » de la guerre de sécession américaine et le roi des rois, Hailé Sélassié essayant de résister à l’invasion mussolinienne.
Le livre est un puzzle de toutes ces histoires. Je passe de l’une à l’autre, selon le rythme de l’action, sans césure. Je reconnais que cela est un peu perturbant dans les débuts, mais, je m’y suis fait très vite. C’est, peut-être, la force de ce livre tout comme les descriptions ne cachent rien de la cruauté des scènes de carnage. Il joue sur ces différences, beauté-cruauté, victoire-défaite, histoire-actualité


Laurent Gaudé offre un roman sombre où la seule éclaircie est la nuit d’amour, surtout son souvenir lumineux, entre Assem et Mariam.
Les victoires ont le goût amer des défaites pour ces guerriers. Les dialogues que leur prête l’auteur montrent leurs sentiments de honte, fatigue, voire dégoût face à tous ces morts. Les guerres sont toujours sales pour Hannibal « Qu’est-ce qu’ils croyaient tous ? Qu’on obtient des victoires en restant immaculé ? Que l’on peut sortir de tant de mêlées indemne et frais comme au premier jour ? » « Car les hommes sont des pions » dit Grant une vérité digne de Lapalisse. J’ajoute : Tout ça pour ça. Oui, c’est le sentiment qui m’anime en écrivant cette chronique.
L’écho des batailles gagnées ou perdues par Grant, Hailé Sélassié, Hannibal s’est assourdi pour laisser place à un mythe peut-être, à des personnages historiques sûrement, à des hommes qui ne sont pas morts au combat mais dont on a oublié les morts sur les champs de bataille « Les corps se mêlent les uns aux autres, s’enlaçant dans la mort » qui sont en eux et ne les laissent pas tranquille.
Il ne faut pas résister mais se laisser emporter par les mots de Jean Gaudé, par la puissance évocatrice de son écriture lucide et cruelle qui ont un en ses temps de terrorisme
Un livre d’une densité extrême et d’une cruelle lucidité où l’histoire a rendez-vous avec le roman pour une réflexion sur l’absurdité de la guerre, la laideur et l’ambivalence des victoires.
Un superbe Gaudé

zazy
9
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le 14 oct. 2016

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