Laurent Gaudé est-il un auteur lyrique ou emphatique ? Tout dépend où chacun met le curseur et le jugement sera forcément personnel et subjectif. Néanmoins, Ecoutez nos défaites peut se juger à l'aune des livres précédents du romancier. Verdict ? Mesuré : s'il est vrai que Gaudé en fait parfois beaucoup dans l'emballement, force est de constater, une fois encore, qu'il ne manque pas de souffle. Au début du livre, il y a une histoire qui part bien : la rencontre d'une nuit entre un espion français et une archéologue irakienne. Une intrigue qui promet beaucoup avec la lourde actualité moyen-orientale en toile de fond. Et puis, soudain c'est le drame : sans avoir été invités voici que quelques personnages célèbres entrent en scène : Hannibal, Grant et Sélassié. Que se passe t-il ? Pourquoi Gaudé se transforme t-il en historien ? On comprendra alors que le livre n'est pas qu'un roman mais aussi un essai, une méditation sur la guerre et ce que signifie gagner une médaille synonyme de boucherie. Parce qu'au fond, pour ces illustres guerriers, tous les triomphes sont dérisoires et provisoires (La victoire en déchantant) et le dénouement ne peut être marqué que par la défaite, avec la déchéance et la mort. Ecoutez nos défaites aurait donc pour ingrédients principaux guerre et amour. C'est moins drôle que chez Woody Allen, dans le film éponyme, et c'est parfois didactique en repoussant la fiction au deuxième plan, ce qui est fort dommage. Une question d'ailleurs, en passant, pourquoi avoir choisi les trois figures historiques citées plus haut et pas Bonaparte, Charlemagne, Pancho Villa, Gengis Khan, Guevara, au hasard ? Passons sur cette partie du livre, certes envahissante, pour louer ses passages contemporains. Il y en a de très beaux dans Ecoutez nos défaites quand l'auteur évoque les combats à mener contre l'obscurantisme, la sauvagerie et le fondamentalisme. Ce sont les seuls moments du livre qui ne soit pas empreints de lassitude ou de sentiments désillusionnés. Où l'on retrouve un Gaudé pugnace et révolté qui n'a pas perdu espoir. C'est celui que l'on préfère.

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le 17 déc. 2016

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