rigueur et révolte ! Un anti conformiste, un vrai homme de gauche ! Visionnaire !

Bonjour à tous,


Aujourd'hui, me voilà devant vous, avec ce texte. Très majoritairement inconnu, du grand public. Et quel gâchis, quelle honte ! Ce recueil de textes est tout simplement inoubliable ! La pensée est d' une profondeur, à laquelle je ne m' attendais absolument pas.


Entre le Frioul, où il naît, et Ostie, où il meurt, Pier Paolo Pasolini aura passé sa vie à taper du pied dans tous les centres idéologiques. Poète, cinéaste, romancier, dramaturge et essayiste, Pasolini vocifère. Brûle. Hurle. Amplifie. Irrite. Viole. Il faut le comprendre, c’est pas sa faute, à lui qui collectionne les scandales ; c’est pas sa faute s’il est quasi seul, en Italie, à se battre contre une violence neuve, et encore souterraine dans les années 70, la violence du « vrai fascisme ». La violence du conformisme. La violence de l’homogénéisation sociale, et de sa conséquence, l’acculturation.


Les écrits corsaires étaient mandatés par une puissance pour attaquer les navires ennemis. Pasolini n'était mandaté par personne, il a fini par déranger beaucoup de monde, c'est peut être ce qui à conduit à son meurtre.
A l'heure ou l'on se gargarise continuellement du mot "liberté" alors qu'on a jamais été autant moutonniers; lire Pasolini est rafraîchissant pour l'esprit bien que le contexte de l’époque m'échappe parfois. Comme d'autre commentateurs le soulignent, l'édition gagnerait à être agrémentée de notes explicatives. Il est un emm*** doué de rectitude intellectuelle.


Durant les années 70, à travers plusieurs écrits et articles, Pier Paolo Pasolini étudie la société moderne. Il s’intéresse notamment au consumérisme de masse qui selon lui déshumanise le monde. Cela l’amène à des questions telles que la place de l’humain dans la société, l’identité nationale italienne, la sexualité, l’avortement, le fascisme, l’antifascisme, l’Eglise catholique, la religion, la mode, le langage, l’art… Pasolini, volontiers provocateur, cherche la vérité à travers tous ces débats.


En première approche, Pasolini déçoit toutes les attentes. Si son antifascisme et sa haine de la bourgeoisie installée sont incontestables, il élargit sa critique à tous les conformismes, à toutes les facilités de pensée, à toutes les modes: autant dire qu'il a du monde dans son collimateur, à gauche autant qu'à droite. La thèse, qui n'est pas faite pour choquer mais pour avertir,, selon laquelle "le fascisme aujourd'hui c'est la société de consommation", est déclinée ici dans la quasi-totalité de ses implications. On notera le savoureux article "contre les cheveux longs", qui sur les question de sémiotique dépasse, et de loin, tout ce qu'en France Barthes et ses épigones ont pu écrire. Beaucoup plus intempestif en son temps, qui est encore le nôtre, que nul ne le fut jamais, on comprend qu'il ait, disons, dérangé...


Quand on parle du penseur Pasolini, nous en avons l’image que l’Intelligentsia veut nous donner de lui, à savoir l’intellectuel gauchiste, libertaire, marxiste, athée, homosexuel, prônant la libération sexuelle, s’inscrivant dans une tendance mai 68 avec son Théorème. Mais cette même intelligentsia, qui a récupéré de façon scandaleuse Pasolini (comme elle le fera pour d’autres artistes, comme Coluche par exemple) occulte toujours le vrai penseur Pasolini, celui qu’il est devenu dans les années 70. Et comme le précise bien l’introduction des Ecrits Corsaires, on a là l’occasion de découvrir une nouvelle facette du penseur.


Pourtant, dans notre époque actuelle où il est tellement branché d' être gay, où c' est super funky de se faire enculer ( milles excuses pour mes amis homos ) voilà un exemple de gay, qui revendique son homosexualité, mais n' en fait pas son cheval de bataille, pour autant ! C' est admirable ! Et oui. Il existe des gens qui ont compris que la sexualité est de l' ordre du privé. Se réduire à sa sexualité est grotesque, au possible !


A son époque Pasolini a généralement été considéré comme un type d’extrême gauche. Pour autant vu ses prises de positions, il est clair qu’aujourd’hui, Pasolini serait considéré par l’intelligentsia actuelle comme quelqu’un d’extrême droite. D’ailleurs même à son époque certains l’ont parfois traité de fasciste. Pasolini n’en était pas un, il a même beaucoup milité contre le fascisme dans la première partie de sa carrière. Mais je le répète, il serait aujourd’hui plus classé à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche. Tout ça en raison de prises de position qu’on occulte volontairement aujourd’hui quand on parle de lui.


Par exemple, saviez vous que Pasolini a milité contre le droit à l’avortement ? Que dans un discours à Vincennes en 1968, il a pris la défense des CRS face aux jeunes de mai 68 ? Qu’il était très attaché à l’identité nationale italienne ? Qu’il a attaqué les « jeunes au cheveux longs » ? Que son évolution religieuse s’est rapprochée du traditionalisme chrétien ? Qu’il a ouvertement dénoncé l’antifascisme ? Qu’il a dénoncé la libération sexuelle ?


Des prises de positons qui lui coûteraient sans doute encore plus cher aujourd’hui qu’à l’époque. Pour autant, Pasolini ne s’est jamais séparé de son esprit marxiste et a toujours été fidèle au final à ses idéaux de « gauche ». Mais peut être qu’il fut l’un des rares à représenter la vraie gauche au moment où celle-ci évoluait vers ce qu’elle est devenu aujourd’hui.


Ecrits Corsaires permet donc de comprendre tout cela, le livre se compose de textes écrits par Pasolini dans des journaux ou des revues de l’époque. Il s’agit surtout de contenus sociologiques, philosophiques et politiques.


Pasolini revient donc sur plusieurs sujets de l’actualité de l’époque. Il évoque donc en premier lieu les slogans publicitaires et montre à quel point le langage dans notre société est sali et manipulé. Il évoque de là le capitalisme de masse et le néo libéralisme qui ravagent la société. Pasolini voit à travers le capitalisme le nouveau vrai fascisme et le dénonce tel quel, c'est-à-dire pire que le fascisme mussolinien qu’a connu l’Italie. Il montre que le capitalisme est allé encore plus loin que le fascisme dans le sens où il a réussi à détruire toutes les valeurs de l’Italie. Par exemple, le fascisme mussolinien n’a pas été en mesure de détruire l’identité italienne ou la religion, ce qu’a fait le néo-capitalisme. Il déclare d’ailleurs :


« Le fascisme, je tiens à le répéter, n’a même pas au fond , été capable d’égratigner l’âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de communications et d’informations (surtout, justement, la télévision) l’a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais… ».


Le capitalisme est donc le nouveau fascisme également dans le sens où il impose un modèle à adapter. Par exemple, Pasolini évoque l’effet de la mode aux cheveux longs. Il s’en prend violemment à ces « cheveux longs » les accusant de se prendre pour des révolutionnaires alors qu’ils ne font que suivre un modèle de société. Un modèle de parfait consumériste. Et cela renvoie d’ailleurs à l’une des obsessions essentielles de Pasolini, que nous avions déjà abordé pour Accatonne, à savoir la destruction des classes sociales. Pour Pasolini, la société capitaliste moderne détruit les classes pour ne retenir qu’une seule classe de consumériste. Au final, qu’ils soient pauvres ou riches, issues des borgate ou des beaux quartiers, tous se ressemblent sur le plan physique et intellectuel. Et c’est en ce sens que l’auteur démontre que le capitalisme a vraiment égratigné l’âme de la société italienne, en détruisant l’identité sociale de chaque individu, pour avoir en quelque sorte des robots programmés pour consommer.


Bien évidemment, il démontre également que tout cela passe par les medias de masse et notamment la télévision qu’il décrit comme une vraie dictature de la pensée. Quand on voit comment la presse télévisée est manipulée aujourd’hui, on comprend aisément de quoi il veut parler. Il déclare à ce sujet : « nul doute (les résultats le prouvent) que la télévision soit autoritaire et répressive comme jamais aucun moyen d’informations au monde ne l’a été. Le journal fasciste et les inscriptions de slogans mussoliniens font rire à côté : comme (douloureusement), la charrue à côté du tracteur ».


Le nouveau fascisme est donc le capitalisme et Pasolini l’a bien compris. Et c’est d’ailleurs pour cela que lui, qui est un antifasciste à la base, lutte contre ce système mais dénonce aussi l’antifascisme de gauche de l’époque. Comme il le dit très bien les antifascistes luttent contre un fascisme qui n’existe plus, un fascisme représenté par le nazisme ou la république de Mussolini. Comme le précise l’artiste, ce combat est archaïque et d’arrière garde. Il l’appelle justement l « antifascisme archéologique » ou l’ « antifascisme facile » qu’il qualifie de « naïf et stupide ou prétextuel et de mauvaise foi ». Il accuse justement les antifascistes de vouloir jouer les rebelles en luttant contre un fantôme du passé et une idéologie à l’agonie plutôt que de lutter contre le vrai fascisme qui est la société de consommation et le néo-libéralisme. Il démontre donc toute l’hypocrisie de l’extrême gauche que l’on peut notamment voir en œuvre actuellement.


D’ailleurs, là où Pasolini dénonce aussi l’antifascisme c’est dans sa radicalisation contre les « fascistes » (au sens du terme archaïque) et le refus de débat avec l’extrême droite. Il déclare « En réalité, nous avons eu une attitude fasciste envers les fascistes […] jamais aucun d’entre nous n’a parlé avec, ou ne leur a parlé. Nous les avons tout de suite acceptés comme d’inévitables représentants du Mal, tandis qu’ils n’étaient sans doute que des adolescents de dix-huit ans qui ne connaissaient rien à rien, et qui se sont jetés la tête la première dans cette horrible aventure par simple désespoir.».


Mais venons-en à un autre sujet sensible : la religion. On se souvient que Pasolini avait déjà abordé le sujet avec La Ricotta jugé blasphématoire, mais surtout avec L’Evangile selon Saint Matthieu. A l’époque il avait dédié le film à Jean XXIII, créateur de Vatican II pour un Eglise plus « tolérante et ouverte ». Pasolini encourageait Vatican II dans sa démarche, mais force est de constater que dans ses Ecrits Corsaires des années 70, il s’en démarque justement et se met à adopter une autre vision de l’Eglise. Il pense notamment que l’Eglise a fait trop de concessions et a perdu son rôle au sein de la société. Il fait même part d’une soumission humiliante. A ce propos il déclare là encore « Car si Le fascisme n’a même pas égratigné l’Eglise, le capitalisme la détruit ». Pasolini pense que l’Eglise a commis une erreur en s’alliant avec la bourgeoisie libérale, une erreur « qu’elle paiera probablement de son déclin » affirme t’il. Là encore on voit tout le génie visionnaire de l’artiste. Selon Pasolini, l’Eglise véhicule des valeurs morales indispensables au bien-être la société, mais l’auteur rappelle également que le christianisme a toujours uni le peuple italien. Et c’est justement pour ces raisons que la nouvelle idéologie, le nouveau fascisme à savoir le capitalisme veut détruire l’Eglise. Là encore pour le citer « Eglise, qui désormais, est condamné à disparaître de par son appartenance à ce monde humaniste du passé, qui constitue un obstacle à la nouvelle révolution industrielle ». Et Pasolini explique d’ailleurs très bien le rôle que joue la laïcité là dedans. La laïcité n’est dans le fond qu’une nouvelle religion servant le capitalisme. La laïcité détruit toute forme de spiritualité et prône une idéologie purement matérialiste servant de base à la société de consommation. Ainsi Pasolini l’athée adepte de Vatican II se rapproche du vieux Vatican et d’un certain traditionalisme chrétien. C’est d’ailleurs ce que peuvent démontrer ses prises de positions contre l’avortement.


Voilà l’un des points les plus houleux de l’auteur : son manifeste contre le droit d’avorter. Comment Pasolini justifie t’il son choix ? Tout simplement en le resituant dans son contexte politique à savoir la lutte contre le néo-libéralisme. Il parle en l’occurrence d’une « fausse tolérance » dont le but est de pousser à l’excès pour finir par ne pas tolérer ceux qui refusent de tomber dans l’excès. C’est d’ailleurs une idée qui revient souvent chez lui. Ici, il prend même l’exemple du divorce qu’il avait défendu par le passé. Mais concernant l’avortement en lui-même, l’auteur affirme surtout s’y opposer car il y voit là le début de l’industrialisation du corps humain comme une marchandise. Là encore on voit que l’avenir lui a malheureusement donné raison. Son discours prend une résonnance particulière à l’heure où il est à la mode de parler de PMA et de conception de bébés sans rapports sexuels et qu’on parle même de choisir leurs qualités physiques. La prise de position de Pasolini, qu’on soit d’accord ou pas avec, ne fait que démontrer une fois de plus son génie visionnaire. D’ailleurs il décrit lui-même très bien ce que nous vivons actuellement : « Nous voici donc arrivés à ce paradoxe que ce que l’on disait contre nature est naturel, et que ce que l’on disait naturel est contre nature ».


Ce débat de « fausse tolérance » et « d’industrialisation des corps », il l’applique également à la libération sexuelle. Comme nous avons pu le voir tout au long de notre cycle, la vision de Pasolini sur le sexe a beaucoup évolué. Après l’avoir encensé comme la compensation face à l’autorité gouvernementale, il en parle désormais comme un acte de consumérisme. A travers la libération sexuelle Pasolini dénonce cette « fausse tolérance » propre au capitalisme qui transforme les libertés en acte consumériste obligatoire pour rester dans la norme établie. Il l’explique d’ailleurs remarquablement bien avec ses propres mots :


« Le pouvoir de consommation, le nouveau fascisme. Il s’est emparé des exigences de libertés, disons libérales et progressistes, et en les faisant siennes, il les a rendu vaines et en a changé la nature.


Aujourd’hui la liberté sexuelle de la majorité est en réalité une convention, une obligation, un devoir social, une anxiété sociale, une caractéristique inévitable de la qualité de vie du consommateur. Bref, la fausse libération du bien-être a crée une situation tout aussi folle et peut être davantage que celle du temps de la pauvreté. »


Il continue


« Le résultat d’une liberté sexuelle « offerte » par le pouvoir est une véritable névrose générale. La facilité a crée l’obsession ; parce qu’il s’agit d’une obsession « induite » et imposée, qui dérive du fait que la tolérance du pouvoir concerne uniquement l’exigence sexuelle exprimée par le conformisme de la majorité. Il protège uniquement le couple (et, bien sûr, pas que le matrimonial) : et le couple a donc fini par devenir une condition paroxystique, au lieu de devenir un signe de liberté et de bonheur (comme il l’était dans les espérances démocratiques) ».


On constate que Pasolini est dans le juste et que la plupart de ce qu’il dit est encore plus vrai aujourd’hui qu’à l’époque. Mais qu’en est-il dans tout cela de son homosexualité ? L’artiste penseur dit justement que ce qui est sexuellement différent est rejeté. C’est aussi pourquoi il parle de « fausse tolérance » car la liberté sexuelle n’est pas accordée aux homosexuels. Sur ce dernier aspect, son point de vue reste évidemment attaché à son époque. Depuis les choses ont beaucoup changé et notamment la place de l’homosexualité dans la société. J’aurais été curieux de connaître l’avis de Pasolini sur la société actuelle à ce niveau là, mais nul doute qu’il aurait été probablement à contre courant.


Mais ce que Pasolini déplore également dans le capitalisme et la société de consommation, c’est qu’ils sapent toutes les valeurs d’un peuple et d’une société. Ils contribuent à la destruction de la culture italienne (au sens propre comme au figuré) et à celle de l’identité nationale : deux valeurs essentielles pour Pasolini.


Ces Ecrits Corsaires sont donc passionnants et permettent de découvrir le vrai visage de Pasolini qui est à mille lieux de celui que décrit l’intelligentsia actuelle.


De quoi ringardiser tous ces intellectuels libéraux ou néo-conservateurs d'aujourd'hui qui dressent sans cesse le procès de Mai 68 pour en finir avec l'idée d'un changement radical de société. Ils ne découvrent rien. Celui qui aurait été leur ennemi viscéral avait déjà dressé le tableau. Et surtout, Pasolini le dévoile : ce sont les forces économiques défendues par ces clercs qui sont responsables de ces évolutions culturelles tant déplorées.


Par la même occasion, Pasolini donne un sacré coup de vieux à ceux qui rédigent encore des "manifestes hédonistes", croyant se rebeller (mais contre qui parbleu ?) alors qu'ils sacrifient en cela au rite des valeurs les plus platement petites bourgeoises.


Ce grand créateur italien les avait clairement avertis. Mais dans les années 70 ils furent nombreux à ne pas voir qu'en servant de troupes d'élite à la destruction des valeurs conservatrices, croyant ouvir une brèche décisive vers l'émancipation humaine, ils furent l'outil involontaire d'une domination toujours plus grande du système contre lequel ils croyaient lutter.


Certains de creuser le tombeau de l'ancienne société conçue comme une globalité et de répéter la prochaine Révolution, ils furent totalement déconcertés par le reflux de la contestation dans les années post 68. Et mirent longtemps à comprendre que le Marché avait fouillé leurs poches, y puisant l'individualisme, l'aspiration à la liberté et à "jouir sans entraves"... se servant de ce terreau culturel pour discipliner les masses comme jamais...


Pasolini a constamment évolué et c’est ce qui prouve son génie, il s’est détaché de l’intellectualisme bourgeois et gauchiste dont il avait fait partie à l’époque. Pasolini est cependant mort trop tôt sauvagement assassiné.


Sur ce, je vous laisse le découvrir, braves gens. Il est d' un excellent cru ! Lire de vrais penseurs vivifie l' Esprit, de nos jours ! Tcho. Portez vous bien. Continuez à lire. Il est vital de lire, en ces temps morbides, intellectuellement. La lecture nous apporte force, et connaissances. @+.

ClementLeroy
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le 15 mars 2017

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San  Bardamu

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