Collection rassemblant écrits théoriques sur l'art dramatique et courts textes de circonstance ayant trait à l'expérience de Yukio Mishima comme spectateur, acteur et metteur en scène de théâtre.

Le célèbre auteur, surtout connu pour sa dernière folie, est l'un des auteurs japonais les plus traduits en langue française. Cependant, il est largement mal traduit (traductions par anglais interposé comme pour La Mer de la Fertilité) et une partie de son oeuvre, notamment le théâtre, restait mal connu en France. Il faut donc saluer le travail admirable des traducteurs (peu ou prou l'équipe qui s'est chargée de publier Tanizaki dans La Pléiade), lequel offre enfin au lecteur français un Mishima fin connaisseur du théâtre français (Hugo, Racine, Genet essentiellement). On savait Mishima passionné, révolté et intransigeant. On découvre le penseur. "A notre époque c'est l'esprit qui doit se rebeller contre l'anarchie du quotidien. L'esprit doit s'emparer de l'existence quotidienne et lui conférer un ordre."

Sous le signe tragique de Nietzsche, Mishima expose sur le fil du rasoir ses penchants théâtraux : "J'aime la destruction à peu près autant que l'équilibre. Le principe d'un équilibre contrôlé et construit uniquement en vue de sa destruction est devenu mon idéal dramatique, et plus largement esthétique." Ailleurs : "Tragédie et modernité semblent en contradiction. A tout le moins, il paraît incontestable que l'introduction de la conscience de soi conduit à rendre comique tout objet." En conséquence - et il s'agit là d'une quête qui parcourt l'ensemble des écrits de cet ouvrage -, Mishima cherche à réaliser sa propre synthèse des arts dramatiques traditionnels du Japon (kabuki et ) et des nouvelles formes de théâtre influencées par l'Occident (shingeki). S'il parvient à faire représenter ses pièces par les plus grandes actrices de son temps (notamment la grande Sugimura Haruko), son absence de compromis et son engagement total le conduisent à rompre avec le mouvement shingeki et avec la troupe Bungaku-za pour fonder sa propre école Neo Littérature Théâtre. Tout un programme.

"Grand est le danger d'un monde qui, tel l'art de l'acteur, exige que tout le corps soit mobilisé pour se mettre au service d'une fiction et simuler la sensualité. Être vu devient la condition de l'érotisme de l'acteur. Et il va jusqu'à perdre ce qui constitue l'ultime recours de tout artiste, cette sensualité qui, bien que solitaire, est sans cesse bouillonnante, sur le point de déborder. L'acteur James Mason vit, paraît-il, solitaire, entouré simplement d'une douzaine de chats."

Aragne-souriante
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le 7 déc. 2024

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