Connaît-on vraiment les mères ? Celles que l’on connaît depuis avant toujours ? Le narrateur de Elle, la mère se détourne de la tombe où vient de disparaître la sienne et fait un retour sur la mère. Puisqu’il parle bien plus de « la mère » que de « sa mère ». « Des fragments de sentiments. Des morceaux de vie. » C’est d’après lui ce que lui livre la mère à propos de sa mère à elle. Et c’est aussi ce qu’il nous livre lui-même sur la mère, la sienne. « Mère imparfaite comme toutes les mères. »
Dans ce premier roman d’Emmanuel Chaussade, on découvre une écriture dont l’apparente simplicité regorge de tournures qui tapent juste. « La mère aimante les enfants. Partout où elle passe, ils viennent à elle spontanément, en toute confiance. » Cette mère aimante qu’on nous dit pourtant « incapable de recevoir de l’amour comme d’en donner. Elle en a si peur qu’elle se trouve indigne d’en recevoir. Effrayée par l’amour. Elle en a tant manqué. »
Le fils peut-il percer le secret des origines de la mère ? Peut-être en soulevant quelques poids : la mère de la mère morte en couches un an après la naissance de la mère, le livre de cuisine offert par sa belle-mère le jour de son mariage, « qu’elle a encore en travers de la gorge », le père guetté par la fenêtre, toujours pas rentré, auquel seule la relie l’impossibilité d’aimer et de s’aimer… Mais ça, c’est la version de la mère, et le narrateur va découvrir une vérité bien pire.
Ce n’est pas un journal de deuil comme celui composé par Barthes après la mort de la sienne, de mère.