La révolte gronde aujourd'hui en Syrie. Qui se souvient, qu'il y a trois décennies, des événements dramatiques pendant les « années de braises » ont ensanglanté le pays, dans un affrontement sans merci entre les islamistes et le pouvoir militaire ? C'est cette période-là qu'évoque Khaled Khalifa dans Eloge de la haine, roman étouffant, exigeant, qui raconte par le menu cette lutte acharnée entre deux camps opposés, décidés l'un et l'autre à éliminer totalement, c'est à dire physiquement, la partie adverse. Pour un connaisseur moyen de l'histoire syrienne, manquant de références, le livre est parfois trop pointu dans son récit factuel et Khalifa complique encore notre perception en multipliant les personnages et les allusions aux ramifications islamistes au Yémen et en Arabie Saoudite, tout en évoquant la guerre en Afghanistan contre les soviétiques. Mais même perdu par endroits, le lecteur ne peut rester insensible à la puissance d'évocation du livre qui se recentre heureusement sur deux personnages principaux : la ville d'Alep, l'une des plus anciennes cités du monde, et la narratrice, jeune fille engagée dans le combat, complexe et fragile, qui purgera plusieurs années de prison. C'est lorsqu'il évoque son intimité, sa relation d'amitié avec l'aveugle Radwân, créateur de parfums, ses rapports conflictuels et passionnés avec ses tantes, cloîtrées dans leur maison, que Khaled Khalifa touche véritablement. Cela vaut la peine de faire un effort pour entrer dans ce roman dense et touffu qui décrit une Syrie loin des images convenues véhiculées par le flot de l'actualité.

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le 11 janv. 2017

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