J'ai rarement lu un récit aussi concis, au plus proche de la réalité historique et surtout émotionnelle d'un pays, d'un peuple à jamais meurtri par la colonisation, la guerre et le sacrifice d'une identité, le Vietnam.
Un livre de 150 pages qui ose aborder des destinées humaines dans l'inhumanité irréversible des hommes est une prouesse littéraire formidable.
En 1975, K.THUY âgée de 10 ans quitte son pays à bord d'un "boat people" pour s'installer au Canada.
Elle a déjà publié plusieurs romans et notamment le sobre et pudique "Ru", le voyage d'une femme à travers le désordre des souvenirs.
Au coeur de ce nouveau roman elle aborde les destins des petites gens, des oubliés, des négligés, des abandonnés, des victimes innocentes, des invisibles.
Et plus particulièrement des milliers d'orphelins réfugiés dans les rues, "enfants aux cheveux pâles ou crépus, aux yeux ronds et aux cils longs, à la peau foncée ou avec des tâches de rousseur", les orphelins métis.
Par petits chapitres, par petites touches, en reliant des fils disparates et à priori sans liens, elle arrive à tisser une toile ni noire ni blanche mais chamarrée par les couleurs de l'espoir et de l'amour.
Dans cette trame romanesque, Kim Thuy n'est ni dans le désespoir ni dans une revendication, elle nous raconte simplement l'horreur qu'à connu son pays pris dans un contexte géopolitique aberrant et inextricable.
"Le mot EM en vietnamien désigne un lien de tendresse envers un être plus jeune ou plus faible.
Em, aime, aimons, aimez".