Le grand intérêt du style parnassien – dont Théophile Gautier sera le précurseur – est qu'en recherchant la profusion et la précision érudites, confinant parfois à la précioseté, le poème devient un véritable objet que le lecteur peut observer le nez en l'air sous toutes les coutures et sous toutes les lumières.
Ces émaux n'abandonnent toutefois pas entièrement les émois romantiques, et loin de toute froideur artificielle en conservent des bribes épaisses dans ses thèmes et ses images. La femme, notamment, y est omniprésente et tous les marbres du Louvre, tous les pastels du XVIIIe siècles, toutes les Odalisques d'Ingres et tout l'or de Titien sont appelés pour en décrire les poses, les parures et la peau. Quand un seul mot, à celui qui saura le déchiffrer, invoque et déplie un pan entier de l'Univers. Après tout, Théophile Gautier avait fréquenté des ateliers d'artistes dans sa jeunesse et livrait régulièrement des critiques d'art pour de nombreux périodiques.
Ce recueil se fait ainsi cabinet de curiosités pour le lecteur, tapissé de vieux tableaux et d'étagères croulant sous les onyx aux couleurs étranges, les fragment de marbre poli, les objets lointains, les médailles médiévales et autres émaux mosans. Quasiment tous les poèmes sont gorgés de références plastiques ou bien encore font appel au champs lexical lié à l'artisanat d'art offrant un style fortement plastique. Gautier taillant les mots comme l'orfèvre cisèle un fin morceau de métal précieux et brossant les douces ambiances apaisées des saisons à la façon d'un lavis, la forme et le fond s'unissent en un tout parfaitement cohérent que le titre "Emaux & Camées" rend à merveille et que le dernier morceau "L'art" synthétise parfaitement. Il deviendra l'une des racines du Parnasse :
"Sculpte, lime, cisèle;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant!"