J'ai eu le tort de relire ce recueil de Théophile Gautier tardivement, une fois passés en revue les grands poètes romantiques et parnassiens français, jusqu'aux symbolistes et Mallarmé. Or Gautier est un peu un poète bâtard : il se retrouve dans ses poèmes cette intention de faire de "l'art pour de l'art", tel qu'il l'a lui-même proclamé dans une préface à l'un de ses romans ; et pourtant, il s'obstine quand même dans une forme de préciosité romantique en décalage avec le fonds antique et mythologique qu'il mobilise dans ses créations.
Sans être non plus un expert de l'histoire de la littérature française, il me semble qu'il incarne à merveille ce moment de transition entre un XIXe siècle idéal voire idéaliste et celui de la seconde moitié, plus ésotérique et "intelligent". Car sans faire affront à Gautier, c'est un peu une impression de couillonnerie sublime qui se dégage de la plupart de ses poèmes.
La plupart du temps, il n'expérimente que peu formellement et demeure très classique dans sa conception de la métrique. De même, les thèmes et les motifs qui se trouvent dans ses créations sont assez répétitifs, et n'atteignent jamais l'emphase extraordinaire d'un Heredia : l'architecture antique, la joaillerie, les couleurs tantôt surannées et frugales, tantôt affriolantes et subtiles... Tout cela contribue à la beauté interne du poème, ce qui est finalement l'objectif de sa doctrine poétique, mais sans particulièrement marquer le lecteur.
J'avais lu Emaux et camées il y a quelques années déjà une première fois mais je n'en avais conservé aucun souvenir. Pas même "Le Château du souvenir", formidable récit sur la nostalgie et le passage du temps, qui m'a cette fois transporté.
Finalement, la poésie de Gautier est à l'image de la lecture que l'on en a : faussement légère, fortuite, mais parvenant, par touches rares, à atteindre parfois une forme d'absolu.