Après l’immense succès de Les huit montagnes qui l’ont fait connaître au monde entier, Paolo Cognetti met à nouveau à l’honneur le pays du Mont Rose, sa région de coeur au nord de l’Italie, pour une histoire âpre et noire, aussi fulgurante qu’un jet de pierre, où transparaissent, entre ombre et lumière, les peurs crépusculaires d’un monde écartelé entre nature et progrès.
Ils sont deux frères que tout oppose, à l’image de ces deux arbres, un mélèze et un sapin de maintenant trente-sept et trente-cinq ans, que leur père avait plantés à leur naissance au pied de la maison familiale, une vieille bâtisse demeurée dans son jus au coeur des pâturages baignés des reflets de lumière du Mont Rose, en surplomb de la sombre vallée lombarde de Valsesia. Le père ayant mis fin à sa maladie d’un coup de fusil, l’aîné Luigi, garde forestier aspirant tant bien que mal à une vie rangée auprès de sa jeune épouse enceinte, retrouve pour la succession son tumultueux cadet Alfredo, parti s’embaucher il y a sept ans dans les forêts canadiennes après des démêlés avec la justice italienne.
Ces deux âmes tourmentées - leurs instincts, plus pour l’un que l’autre, empreints d’une animalité sauvage ne trouvant bien souvent que l’alcool pour s’assouvir dans le monde industrieux qui a domestiqué les hommes - sont comme chien et loup, le premier plutôt assagi, le second supportant toujours mal l’enclos et la longe. Un rien, mauvaise parole ou geste malheureux déformés par les vapeurs éthyliques, peut suffire à déclencher le drame. Comme d’ailleurs cette battue qui s’organise sur les traces, semées de chiens éventrés, d’une bête tueuse, elle aussi peut-être chien, peut-être loup, ou encore un mélange des deux.
D’une densité et d’une concision propres à en démultiplier l’impact balistique, le récit implacablement sombre file la métaphore de l’entre chien et loup pour une peinture crépusculaire d’un monde qui voit se préciser le pire quant à son avenir, sans pour autant concevoir de renoncer aux « progrès » qui menacent de le détruire. Nature sauvage ou domestiquée, instincts de liberté ou asservissement au confort, lumières des cimes ou ombres de la vallée : la superbe indifférente et majestueuse du Mont Rose surplombe les errements des hommes, certains supportant plus mal que d’autres le prix payé pour des aises enchaînées aux contraintes de la société de consommation. Alors, définitivement chiens ou possibles loups sur le retour ? Quand le monde tangue, bien souvent les instincts se déchaînent…
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