Patrick Raynal est l'auteur de nombreux polars français. Si En Cherchant Sam en a quelques airs, en emprunte quelques codes, il est plus question ici de quête de soi involontaire que de véritable enquête – même si l'intrigue réserve quelques surprises, celle-ci n'en est que le prétexte.
Une quête de soi presque inconsciente,
là où Manu parcoure les États-Unis avec les cendres de son pote Michel dans leur urne, dans les traces de Sam, le dernier larron du trio d'anciens adolescents, qui a quitté la France pour New York et la musique, puis la métropole pour le Sud et le blue's. Comme une complainte de cette quarantaine où l'on comprend finalement l'irréversibilité de temps, de l'espace, de la distance.
S'Il (Dieu) existe nous n'avons pas trop de notre vie à picoler
pour oublier le monde qu'Il nous a refilé et s'Il n'existe pas seul
l'alcool peut nous sauver du désespoir de Son absence...
L'une des forces du bouquin réside dans l'immersion. Tout au long du voyage, la traversée des grandes villes et des petites bourgades américaines sue l'authenticité. La poussière y est âpre, le racisme ancré moite dans l'atmosphère, la musique crépite de douceurs, de légendes et d'envolées, la route souffle son air de fuite, gomme sur l'asphalte impénétrable, l'alcool y perd de contrôle ce qu'il faut pour recentrer, s'évader. Les plaintes y sont sourdes, colériques, habitées de désespoir, d'incompréhension, de retenue aussi. Et Manu se découvre. Jusqu'à peu libraire tranquille et casanier au cœur de Paris, il devient ce chercheur d'âme en transit, s'emplit de rencontres mémorables sur
un parcours presque mystique
tant une improbable chance le mène petit à petit aussi bien à celui qu'il cherche, physiquement, Sam l'évanescent, qu'à l'autre, lui-même, celui qu'il n'osait encore être. Qui mûrit, qui comprend. Qui affronte. Consent.
je pensais à Henry planté au bord de son roman en panne. Pourquoi
ses personnages seraient-ils mieux lotis que nous ? Pourquoi
sauraient-ils où aller alors que nous ne savons même pas pourquoi nous
avançons ?
Le roman se lit assez facilement, avec envie. Le sujet semble un peu rebattu, finalement un peu survolé peut-être, mais la puissance des décors et
l'atmosphère empreinte de vieux blue's déglingués et mythiques subjuguent.
En Cherchant Sam interpelle un peu, dépayse beaucoup. Et avec une dose féroce de véracité, je me répète : d'authenticité. Le bouquin idéal pour un road-trip en descente de Mississippi.
Décapotable lourde, cheveux aux vents et vieux sons triturés.