En famille
7.7
En famille

livre de Marie Ndiaye (2007)

Marie N'Diaye a écrit ce roman, son troisième, à 27 ans. Déjà, son style d'une grande qualité littéraire, et ses thèmes favoris, sont présents dans ce livre peu connu.
L'histoire se passe dans la France profonde. N'oublions pas que l'auteure a passé sa jeunesse à Pithiviers. La vie dans les villages est triste, l'éclosion de la société de consommation avec, notamment, l'apparition des supermarchés, temples de la consommation abrutissante, en remet une couche.
Une jeune fille, dont on ne saura jamais le vrai prénom, cherche à s'intégrer dans sa famille. Mais, déjà, en la surnommant Fanny, l'une de ses tantes, Colette, la stigmatise en temps qu'étrangère. Fanny voudrait retrouver la trace de sa tante Léda, dont personne ne parle plus. C'est la première partie du livre, la plus réussie. Une série d'aventures lui arrive, d'abord en compagnie de son veule cousin Eugène, qu'elle tente de séduire. Son voyage, son enquête, n'aboutissent à rien, elle tourne en rond, se heurte à des rejets, des refus, plus ou moins larvés, malgré ses ruses, ses sacrifices et son opiniâtreté.
Suite à une étrange disparition, morceau de bravoure, aussi inattendu que bref et particulièrement réussi, elle réapparaît avec, cette fois, l'espoir,d'une acceptation réussie. C'est la deuxième partie de roman, peut-être un peu redondante. Hélas, il n'en est rien. Fanny restera Fanny, la paria, la non-aimée...
Il y a, dans ce roman très maîtrisé dans sa composition et la précision, la richesse du vocabulaire (par exemple l'utilisation de mots tels que "alentie"), une ambiance, une atmosphère parfois proche de ce que l'on ressent à la lecture du "Procès" de Kafka. En effet, Fanny semble condamnée, rejetée, y compris par ses parents, pour des raisons qu'elle ignore, et ne parlons pas des tantes, revêches à souhait. Elle fait preuve d'une extrême bonne volonté à s'intégrer dans la famille, pourtant. mais on lui fait comprendre qu'elle est différente, sans lui dire en quoi, sauf à un moment, très réussi, lors de sa promenade en bateau sur un lac, avec sa tante Colette. Mais même là, les choses restent floues, imperceptibles, incompréhensibles.
En filigrane, Marie N'Diaye, dresse un sévère portrait des gens. Les hommes sont faibles, veules mêmes. Les femmes sont, elles, rigides, revêches, embourbées dans un matérialisme et un souci permanent des apparences, du qu'en dira t'on. Le tout est engoncé dans une sorte de laideur des choses et futilité des sentiments. Même les chiens sont hargneux!
Le thème du mystère, de l'irrationnel apparaît déjà dans ce roman. C'est un thème cher à cette écrivaine de talent, à l'imagination fertile, à la plume parfois incisive, toujours précise, même lorsqu'elle écrit des histoires floues.
Ce roman de jeunesse m' a beaucoup plu. Parmi les six livres de Marie N'Diaye que j'ai lu, je le classe en deuxième après Rosy Carpe.

Alain_Dutot
8
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Créée

le 29 mars 2015

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Alain Dutot

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