Certains passages sentent la puissance sensitive de l'enfance, et ici nous sommes au sommet de l'oeuvre de Sarraute, d'autres sentent la recherche eperdue de souvenirs, pour combler les trous et convenir à une esthétique moderne du roman, là c'est le plateau vide et rasant. Mais dans l'ensemble c'est une oeuvre plaisante, qui se laisse lire facilement. Je reproche juste à Sarraute de commencer une reflexion sans aller au bout par moment (le dialogue entre le moi se souvenant et le moi inquisiteur est, au fil du roman, délaissé). La recherche des tropismes, qui devrait être intuitive (comme la madeleine de Proust) sent parfois le ressouvenir forcé (le "ça ne se fais pas" de Vera dans le parc parisien, par exemple est plus laborieux que les autres).
L'écriture est remarquable lorsqu'elle est tentative de désignation, et qu'elle échoue, forcément, à réactualiser la sensation exacte de ce "temps perdu" qu'est l'enfance.