Recueil publié en 1998 d’une cinquantaine de poèmes écrits par le philosophe Jean-Louis Chrétien, on retrouve ici étrangement une thématique régulière : celle de l’amour, de la nudité, de l’errance loin de la ville pour le refuge du couple.


Mais attention, pas ici de poésie facile, pas de romantismes non plus, bien que Jean-Louis Chrétien ait clairement une inspiration tirée de la poésie amoureuse classique, on voit ici une envie de se détacher de la corporéité. Jamais le mot « nu » n’aura été aussi peu corporel. Et si on voit bien représenter les douces caresse sur la joue, c’est bien le lieu qui est avant tout habité. Le lieu de la nudité, non pas en ce qu’elle a de sensuelle, mais en ce qu’elle a d’intime. C’est l’amour nu du quotidien.
L’amour qui fuit, qui retrouve la nature. C’est l’intellection de la nature, plus que sa contemplation, qui est à l’oeuvre dans cette poésie. C’est la mémoire d’une nature passée avant tout. Il y a peu, je parlais encore de Rognet, autre poète contemporain que j’apprécie beaucoup. La comparaison m’apparaît utile : Rognet contemple la nature, se fond en elle pour se révéler, à travers elle. La contemplation de la nature est une élévation naturelle et symbiotique du poète et de la nature. Chrétien voit en la nature un objet d’intellection. Il réfléchit, il pense, et il voit ensuite la nature. Le processus est donc radicalement différent. La nature est un Autre qui apparaît après sa pensée.


N’allez pas croire pour autant que ce n’est pas beau. Cet outil permet des poèmes sur l’amour très intéressant. Dans la transparence à autrui, la nature devient avec le lieu/l’espace un des deux éléments intermédiaires que le poète va utiliser et manipuler pour révéler son être émotif.
Si certaines structures dans les parties du recueil me paraissent moins justifiées et plus faibles, je retiendrai beaucoup plus de plaisir dans ce recueil que dans les Joies Escarpées, autre ouvrage du poète.
Il y a vraiment des moments de bravoures dans ce petit livre qui mérite largement qu’on lui consacre un peu de notre temps. Ce n’est pas le recueil le plus important du XXe siècle, sans aucun doute, mais il contient de la véritable poésie ! Et cela, en notre temps, est toujours bon à prendre.

mavhoc
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le 26 mars 2020

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