Zweig n'est jamais décevant, en particulier lorsqu'il s’attelle à rédiger une de ses biographies-essais dont il a le secret. Lorsqu'il engage une quête spirituelle, poursuivant les traces de personnages qui ont marqué son imaginaire.
Par cet « Érasme » brillant, on découvre la vie et une part de l’œuvre de celui qui aura enfanté la Réforme. Homme de mesure ou pusillanimité selon les points de vue, il aimait autant les idées qu'il détestait l'engagement.
C'est autant un livre sur Érasme que sur Martin Luther et l'amorce du protestantisme. Zweig en explore et en analyse toute la chaîne de causalité qui lui assurera son pinacle. Érasme enverra les premières flèches en direction de l'institution catholique, et se verra très largement dépassé en férocité par les pères de la nouvelle doctrine, Martin Luther et consorts, eux-mêmes débordés par des révolutionnaires radicaux, non contentés par le simple acte de conversion.
Zweig tente de dépeindre une époque, un air du temps où les égarements de l'église attisent la révolte de quelques penseurs qui bouleverseront l'histoire de l'europe et du monde.
L'éloge permanent qu'il fait d’Érasme, à un détail près, nous en dit évidemment plus sur Zweig lui-même, qui se célèbre à chaque page dans la douce notion de tempérance. Erasme est l'incarnation du pur penseur, désengagé de tout militantisme prosaïque, qui se désole que l'on ne l'entende pas et s'effraie qu'on le prenne trop au sérieux.
Pour conclure, un livre majestueux, qui enrichit culture et réflexion, sur un personnage central de l'histoire européenne légèrement occulté dans nos contrés, devenu essentiellement le nom de voyages estudiantins devant censément découvrir la culture de leur voisin. L'écriture de Zweig rend également hommage à son sujet d'étude, précise, noble et agréable, elle sublime Érasme, lui conférant une flamboyance artificielle.
Samuel d'Halescourt