Un plaisir que de suivre le mano a mano que se livrent, sur près de 600 pages, ces deux cérébraux que sont Nietzsche et le docteur Joseph Breuer. Tous deux ont vécu à la même période et ont côtoyé les mêmes relations de la Vienne de la fin du 19ème. Le premier est universellement connu pour son œuvre philosophique et le second pour avoir posé avec Freud les bases de la psychanalyse.
Dans la réalité, ni l'un ni l'autre ne se sont fréquentés directement mais cela n'a aucunement empêché ce malin d'Irvin Yalom d'imaginer ce qu'aurait pu être leur rencontre.
Pour ce faire, il convoque une autre figure emblématique de cette période, l'écrivaine Lou Andreas Salomé, ici transformée en entremetteuse de charme entre les deux hommes lorsqu'elle convainc Breuer de soigner Nietzsche à l'insu de son mauvais gré. Pari relevé !
Commence alors une véritable partie de cache-cache entre les deux hommes ou plutôt une partie d"échecs (jeu très présent dans le roman) voire une partie de poker menteur, Breuer, faisant croire à Nietzsche pour mieux l'avoir sous son contrôle qu'il a besoin de ses lumières philosophiques. Et Nietzsche de camper un misanthrope hypocondriaque tout en méfiance plus vrai que nature !
Autre belle idée, une poignée de lettres, dont certaines authentiques, permettent à Irvin Yalom de changer de focale en nous conduisant ici ou là, au plus près de leur l'intimité.
Loin d'être plombant comme on pourrait le craindre, cette promenade littéraire sur le terrain de la psychanalyse s'avère passionnante et même par certains moments véritablement amusante.
Après le très bon Problème Spinoza, Irvin Yalom confirme avec ce Et Nietzsche a pleuré tout le bien que je pense de ce romancier.
8/10