Eugénisme sans génie

"Il se met à hurler comme un chat sauvage, gigote comme une anguille, et réussit à se dégager ; il recule et prend son élan pour me foncer dessus. Je m'apprête à la "cueillir", quand je reçois un vase de dix kilos sur le crâne. J'ai quelques secondes de flottement. Mon second assaillant en profite pour me balancer dans la figure un poing, qui, si j'en juge par la douceur du contact, a du être taillé dans un bloc de silex. J'encaisse avec mon oeil droit, et je lui flanque mon pied gauche dans le bas-ventre."

(j'aime particulièrement le "j'encaisse avec mon oeil droit", niveau mauvaise foi et langage imagé, c'est génial)

Voilà comment résumer ce roman : un style super léger, métaphorique et donc franchement agréable, au service d'un scénario sans queue ni tête, bien trop décousu et finalement inintéressant. Boris Vian propose en fait une parodie de polar, avec une enquête qui mêle mafia et FBI, des combats en pagaille, des plans totalement maléfiques à déjouer et un héros qui a la justice dans le sang. Sauf que le tout ne se prend jamais au sérieux, et qu'on ne ressent jamais la moindre envie de voir les mystères élucidés, ou même l'histoire avancer, puisque tout semble de plus en plus improbable.

Alors oui, Vian souhaitait sans doute proposer un roman plus amusant que stressant, mais on peut faire du divertissement intelligent ou subtil, en comptant sur autre chose qu'un style (que je trouve pour le coup vraiment) brillant... Les tentatives d'émailler le récit de propos un peu plus subversifs/réfléchis sont-elles aussi un échec, tant c'est mal développé et pas du tout pris au sérieux. Alors qu'il y avait matière à, avec les théories eugénistes en jeu (qui donnent quand même au roman un titre savoureux). Dans le même registre, l'écume des jours parvenait au moins à avoir une histoire de fond capable de faire accrocher un peu le lecteur.

Bref, une lecture pas fondamentalement désagréable, mais au déroulement trop ennuyeux. Vraiment dommage.