Dans le Japon du début du XXe siècle, un jeune trentenaire (Daisuke) se laisse porter par la vague de modernité que connait le pays. Durant l’ère Meiji (1868–1912), le pays rompt en effet avec le traditionalisme et le féodalisme pour s’ouvrir, s’occidentaliser, se moderniser.
Daisuke est entretenu par sa riche famille. Il ne travaille pas et chaque mois se contente de passer prendre son chèque à la maison familiale où vivent encore son vieux père, son frère (Seigo) et sa belle-sœur (Uméko) ainsi que leurs deux garçons. Daisuke est célibataire et entend bien le rester. Pas envie de se compliquer la vie avec des contraintes domestiques. Daisuke est un esthète, un intellectuel qui consacre beaucoup de temps à la réflexion, à l’introspection. A la philosophie. Aussi décline-t-il toutes les propositions de mariage que son paternel lui offre. Le vieil homme s’en montre irrité : l’honneur de la famille exige qu’il prenne femme. La dernière qu’on lui propose est issue d’une famille riche et puissante et achèverait d’asseoir leur suprématie. Mais Daisuke fait la fine bouche, hésite, tergiverse sans fin. Car l’indolence gouverne sa vie. Il prend la vie comme elle vient, suit le cours de la rivière sans jamais chercher à en influencer l’écoulement. Il vit des subsides que les siens gagnent à la sueur de leur front : une cigale dans une famille de fourmis.
Un jour, un homme frappe à sa porte : c’est Hiraoka, son meilleur ami, parti trois ans plus tôt vivre en province à la suite de son mariage. Hiraoka et Michiyo, son épouse, reviennent vivre à Tokyo et sollicitent son aide pour les premiers temps de leur nouvelle installation. Un petit événement dans la vie de Daisuke. Evénement qui se meut en cataclysme lorsque ce dernier réalise la raison pour laquelle il a toujours refusé de se marier : il est depuis toujours amoureux fou de Michiyo.
Cette découverte va l’enchanter et l’anéantir tout à la fois. Dans ce pays en mutation, dans lequel le code d’honneur des samouraïs a la vie dure, être amoureux de l’épouse de son meilleur ami est bien loin d’être anodin.
Dès les premières pages, ce roman se révèle sous la forme d’une toile impressionniste. Les mots, les détails sont autant de touches de couleur apposées les unes à côté des autres pour former un tout. Une très belle écriture qui s’écoule sans heurt comme les grains de sable entre les doigts. Une écriture fortement teintée de poésie toute orientale. Et tel un leitmotiv, deux couleurs dominent la narration du début à la fin, deux couleurs la plupart du temps véhiculées par les fleurs, omniprésentes dans ce roman : le blanc des lys, du muguet, des iris, des orchidées et des fleurs de cerisiers ; et le rouge du camélia, de la rose ou du grenadier.
La symbolique de ces deux couleurs m’a quelque peu échappée. L’interprétation la plus immédiate est d’associer le blanc à la virginité et au mariage (vie qui est vivement conseillée à Daisuke) et le rouge aux amours sulfureuses des geishas (que Daisuke visite à intervalles plus ou moins réguliers) ou adultères (en référence évidemment à sa passion pour Michiyo). Cette théorie se tenait jusqu’au moment où Michiyo, en visite clandestine chez Daisuke, apporta au jeune homme des lys (blancs). Certes, Daisuke n’en fit pas grand cas et se contenta de les couper sans soin avec son sécateur pour les plonger négligemment dans un vase inapproprié : en rapport avec son désintérêt pour la bénédiction nuptiale je suppose. Ce qui est incompréhensible pour moi, c’est que Michiyo ne pouvait proposer au jeune homme une union légale : ah si elle avait apporté des fleurs rouges…
Un livre dans lequel le temps est annulé. L’indolence de Daisuke prévaut et rythme l’ensemble du roman. Personnages et lecteurs sont immobiles : à chaque pas en avant, son pas en arrière. J’ai fini par m’ennuyer : un peu.