J'ai pris beaucoup de plaisir à lire un livre au titre surprenant de Pierre Bayard : [i]Et si les Beatles n'étaient pas nés ?[/i]
Derrière ce titre un peu amusant, on a ici un livre d'Histoire de l'Art et de réflexion esthétique sur les chefs d'oeuvre et ce que cela cache. On a un peu le sentiment que Bayard est "agressif" quant aux grandes oeuvres et aux grands auteurs. Son propos, en effet, est de proposer l'usage de l'utopie en Histoire de l'Art. Et si les Beatles n'avaient pas existé ? Et bien les Kinks auraient certainement eu un plus grand succès, la proposition sur l'art aurait évolué autrement (par amusement, j'avais déjà imaginé cela et j'avais abouti au même scénario). C'est cela que propose ici Bayard : que cachent les grandes oeuvres, qu'avons-nous perdu dans des univers alternatifs ?
Alors on regrettera l'usage d'un langage pseudo-scientifique autour des mondes parallèles, on adorera la proposition qui surtout gagne en précision : il serait trop simple d'imaginer qu'il suffit de retirer "un artiste" pour qu'un autre prenne sa place. Ainsi retirer Rodin aiderait peut-être Camille Claudel a ne pas être éclipsée, mais simultanément cela ne changerait rien à sa famille ou au contexte social.
De même, retirer Kafka changerait la littérature, certes, mais surtout cela changerait notre compréhension même du monde et de l'absurde. On peut aller plus loin en disant même que retirer Marx changerait drastiquement la face du monde. Mais simultanément, n'aurions-nous pas une tendance anarchiste avec Proudhon plus forte ? Mais une tendance plus pacifiste en même temps. Retirer un auteur, c'est retirer des conceptions du monde, mais c'est aussi révélateur de ce qui est caché ou non, qu'est-ce qui apparaîtrait ? Qu'est-ce qui disparaîtrait ?
Le livre va même jusqu'à s'interroger sur la place des faussaires et la volonté de créer des oeuvres alternatives.
C'est une vraie lecture de plaisir. Parfois trop dans la présentation historique avec quelques partis pris discutables. Par exemple, je regrette que Bayard suive la thèse, peu assurée mais populaire niant l'existence de Louise Labé. De même, je regrette qu'il imagine que sans Sartre, Beauvoir n'aurait pas été égale à elle-même et n'aurait pas offert une belle philosophie et une grande oeuvre.
Mais derrière ces défauts on a une oeuvre qui offre une réflexion et permet de réfléchir avec plaisir et amusement.
Un livre que je ne peux que conseiller.