Going Native donc. En vrac et en évolution peut-être.
1- Ce livre c'est un peu Claude Lévi-Strauss meet Denis Johnson meet Don DeLillo
2- On peut le lire comme une suite de nouvelles déconnectées, mais en fait c'est un roman, en tout cas c'est écrit comme un roman.
3- Ceci dit si il y a un personnage commun à tous les chapitres, le lien entre ceux-ci est sans doute plus thématique que narratif.
4- Stephen Wright a arrêté d'écrire pendant plus de dix ans après la publication et l'échec commercial de ce livre, il conçoit l'écriture comme une forme de communication entre deux personnes: l'auteur et le lecteur, et si ce dernier est absent...
5- Les livres de Stephen Wright ont été loués par Thomas Pynchon, Robert Coover, Don DeLillo, Toni Morrisson.
6- On peut lire le roman comme un cycle, pour le personnage principal, le dernier chapitre étant un retour à une forme de normalité apparente comme celle du premier chapitre.
7- On y croise Jack Nicholson.
8- Stephen Wright a aussi écrit un roman sur la guerre du Vietnam (à laquelle il a participé): Méditations en Vert, c'est le meilleur que j'ai lu sur le sujet, je crois.
9- Si beaucoup de personnages du roman sont un peu "misfits" il n'y a pas de recherche systématique du freaks comme chez un Harry Crews par exemple.
10- Il y a une influence indéniable du polar, mais ce n'est pas un polar, ni un pastiche de polar.
11- Ce roman est parfois décrit comme post-moderne, formellement c'est assez discret.
12- Il l'est plus dans ses problématiques, particulièrement celle de la représentation, de la pop-culture, d'une certaine manière d'analyser la société américaine.
13- L'acmé du livre est sans doute dans sa partie indonésienne, dans cette confrontation avec l' "originaire".
14- Il y a plus d'empathie et d'incarnation des personnages que l'on en croise d'habitude dans le post-modernisme, celà dit il y a aussi un coté satirique indéniable.
15- Deux mots sur le "style" de Stephen Wright, sa prose est l'une des plus denses que je connaisse, on s'approche parfois de ce que les américains appellent la "purple prose" mais dans le bon sens du terme, ici l'effet est lysergique et d'une grande beauté aussi.
16- Là où la langue de Wright excelle c'est lorsque qu'il nous fait pénétrer l'esprit plus ou moins perturbé de ses personnages, il réussit alors à décrire des images mentales avec une acuité saisissante, il y a une vraie dimension graphique dans ses phrases.
17- Les personnages du roman sont souvent drogués, peut-être pour nous montrer leur nature profonde, pour faciliter leur retour à la sauvagerie, aux instincts primaires, mais ont-ils vraiment besoin de ça...
18- Le thème principal du roman est donc en quelque sorte la relation entre la "sauvagerie" et la civilisation ou plutôt la coexistence des deux, ou peut-être l'équivalence des deux, la violence comme constante anthropologique, mais aussi comme signifiant de la société américaine actuelle.
19- Alors, le serial killer est-il la nouvelle figure mythologique des Etats-Unis?