Éthique à Nicomaque a-t-il été écrit pour un fils, un père, voir un disciple ? Est-ce une oeuvre écrite avec la volonté de proposer un livre unifié ou bien un recueil de textes exprimant des pensées allant dans le même sens ? Toutes ces questions se posent encore au vu du manque d'informations dont disposent les commentateurs et analystes d'Aristote. Les théories semblent nombreuses créant un flou duquel peut ressortir malgré tout une œuvre cohérente et bien construite. Quant à savoir si la fidélité à la pensée d'un auteur du IVe siècle avant J.C. est parfaitement retranscrite par la succession d'éditions à travers les millénaires... c'est un vaste sujet.
Quoiqu'il en soit (ou plutôt quoiqu'il en ait été), l’œuvre du philosophe grec se compose de 10 livres traitant des dispositions humaines, de l'amitié et du plaisir et ayant pour but la question du bonheur. Cette éthique est éminemment tournée vers la politique et pas uniquement vers la morale, la vie politique étant d'abord une question de morale pour Aristote. Celui-ci considère d'ailleurs la politique comme la discipline maîtresse qui nécessite les autres mais fixe le cadre de vie des citoyens(avec pour but ultime le bonheur de ces derniers).
Aristote va s'atteler à définir le bonheur, à voir d'où il peut venir et même à soulever quelques objections sur sa forme mais aussi son utilité. La démarche est simple, claire et l'auteur ne cesse jamais de se questionner et de remettre en cause certaines affirmations.
Les composantes du bonheur sont multiples : vertu, beau, plaisir, bien extérieur, bien divin, bien dépendant de la fortune ; les questions sur sa durée, sa prorogation post mortem (oui oui ça sonne bizarre comme ça mais la question est réellement soulevée) et sa stabilité aussi.
Alors Aristote examine la vertu, le plaisir et le reste ; souligne la nécessité de l'expérience, de l'habitude (des bonnes habitudes), de la mesure (de la tempérance). Il inspecte les états de l'homme aussi.
On est noble simplement mais vilain si différemment.
Aristote nous dit que bien évidemment il existe des affections touchant les états de l'homme, qu'il y a aussi des formes de contraintes qui lui pèsent, pèsent su ses choix et ses actes, sur ses consentements, que l'ignorance joue son rôle. Cela l'amène à parler de la délibération et donc des vertus morales puis de la justice. Le cheminement est logique. D'autant plus que pour lui la justice est la vertu qui concerne autrui. Il parle donc de ses différentes formes(distributive, commutative et rectificative). Cela devient parfois plus abscons à ce moment là, mais les questions soulevées sur l'injustice sont captivantes.
Vient alors l'étude des vertus intellectuelles, qui nous amène à décrypter les mécanismes de la décision chez l'humain (désir, action, raison...) et la recherche de la vérité (avec les moyens nécessaires que peuvent être la technique, la science, la sagacité, la sagesse et l'intelligence).
Où l'on apprend que la sagesse est la plus noble et honorable des vertus... mais qu'elle ne recherche pas le bien humain. La sagacité, elle, relève plus du particulier et l'on peut dire que la politique est la sagacité achevée.
Par la suite viennent les travers moraux puis le plaisir (celui-ci peut-il être le bien suprême ?) et l'amitié (chose la plus nécessaire à l'existence pour le philosophe). Aristote enchaîne les questions, les réponses et les analyses avec habileté même s'il y a des redites et un sentiment de lassitude à certains moments.
Au final je ne jugerais pas le travail du philosophe car comme le souligne l'auteur, l'auditeur ne doit pas être trop jeune, trop porté sur l'affect, il doit avoir du "vécu" pour mieux appréhender cette éthique. Plus sincèrement je ne me sens pas encore en mesure de commenter plus que cela ce genre de philosophie, souvent intéressante à lire, parfois passionnante dans les enjeux qu'elle soulève, un tantinet pesante et obscure quand elle se répète ou qu'elle devient par trop démonstrative dans la forme.
Mais je conseillerai cette lecture car elle pose les bonnes questions (quant à savoir si les réponses conviendront c'est un vaste débat), adopte une démarche notable et enrichit considérablement la réflexion que l'on peut avoir sur la quête du bonheur ou, ce qui me concerne, sur celle de la sagesse.