Le secret de Polichinelle
Le Bourgeois s'en prend sacrément dans les dents durant les dizaines et dizaines de lieux communs que Bloy décortique avec finesse et verve. On y trouve pêle-mêle des variations sur : "On ne peut pas tout avoir", "Chercher midi à quatorze heures", "Il n'y a que la Vérité qui offense", "L'habitude est une seconde nature" ou encore "Qui paie ses dettes s'enrichit". Rien ne semble échapper à son talent de pamphlétaire né et ce n'est pas la connotation souvent religieuse de ses invectives qui diminue en quoi que ce soit leurs puissances évocatrices.
Le tout est éprouvant à lire de manière soutenue et j'avoue avoir mis longtemps a terminer l’œuvre : c'est qu'il faut y revenir de temps à autre, y picorer lentement les lieux communs afin d'éviter la saturation qui étreint celui qui "abuse des bonnes choses" !
Bloy termine ses envolées en spécifiant qu'il a omis quelques expressions, les laissant à d'autres. Je me suis donc amusé - ce qu'on ne ferait pas pour s'occuper - sur l'une d'elle : avoir réponse à tout !
Ah ! Là voilà celle-là. Bien grasse et bien dorée. Le Bourgeois a réponse à tout. Il n'était pas encore né qu'il avait déjà les réponses au Mystère et, devenant charogne, il les détiendra pour toujours : entre ses bras qu'on aura pris soin de croiser afin qu'il puisse les chérir jusque dans l’Éternité ses réponses. Touché par la grâce de son compte en banque il ne cessera pas de s'égosiller à tout bout de prêt sur la totalité des sujets qui préoccupe le genre humain, se faisant le Bourgeois oublie l'essentiel ce qui n'est pas peu.
Ce nervi de la Vérité Divine dont il est l'obligé jusque dans les salons du coin de la rue n'hésitera pas à vous dire quoi faire sans jamais s'appliquer les remèdes qu'il distribue par pure charité chrétienne. Un prud'homme du dimanche ! Correchier les autres jusqu'au dernier jour voilà l'ultime dessein qui le meut et l'anime dans son existence vide. Les réponses ça remplit , ça gargarise, ça lui donne des frissons quand il s'exprime. Que deviendrait-il sans elles ? Du vent, le rot d'un protestant. Voilà qui est encore fort élogieux pour nos oreilles trop irritées par tant d’inanité mondaine.
Conclusion : n'est pas Bloy qui veut... alors lisez-le !
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