courage, fuyons !
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Zuckermann revient. A la ville. A la ville : New-York.
Onze ans qu’il n’y est pas retourné, nous dit-il. « Onze » ? Ce chiffre qu’il aurait pu arrondir à une décennie interpelle déjà par sa précision… Aurait-il compté les jours, les semaines et les mois durant sa retraite en ermite dans sa maison de campagne entourée d’arbres, de lacs et d’animaux, loin des bruits de la cité, de la politique, des actualités et de tout ce qui pouvait l’empêcher de vivre dans son monde, par choix ?
« Onze ans »… Un peu plus d’une décennie et le voilà de retour dans la ville de son insolente jeunesse, qu’il retrouve là en homme vieilli, victime des affres du grand âge, victime de sa prostate, incontinent, à la merci de sa vessie devenue capricieuse, elle qui l’oblige désormais à se munir de caleçons-couches…
Zuckermann revient. Mais sait-il pourquoi ? Pour voir son médecin ? Pour faire renaître chez lui un espoir qu’il espère New York capable de lui rendre ? L’espoir de ne pas vieillir ? Retrouver sa jeunesse ? De rencontres hasardeuses en « moments irréfléchis », Zuckermann, qui ne devait être que de passage, va s’éterniser plus qu’il ne l’aurait pensé dans la grande ville, jusqu’à ne plus savoir vraiment ce qu’il y fait.
D’instants de folie en prises de décisions déraisonnables il va s’engager, auprès d’une vieille connaissance d’abord, à défendre contre un jeune biographe sans scrupules la mémoire de son écrivain de mari défunt, dont le talent tombé dans l’oubli collectif mériterait mieux -en guise d’hommage- que la révélation d’un scandale. Zuckermann va s’engager, ensuite, à échanger avec un jeune couple sa maison de campagne contre leur appartement new-yorkais, pour une durée de un an. Il va s’engager, croire l’espace de quelques jours qu’il peut redevenir celui qu’il était, échapper à la décrépitude physique et mentale pour ne s’apercevoir que du contraire : qu’il est bel et bien vieux et dépassé.
Il n’est qu’un « déjà plus » contre des « pas encore », les gens plus jeunes, les Jamie Logan, dont le désir sexuel qu’elle réveille chez lui ne lui rappelle que son impuissance, les Richard Kliman, le jeune biographe plein d’une fougue que Zuckermann ne supporte pas, mais dans laquelle il retrouve un peu de la sienne au même âge. La « vigueur » à laquelle il se heurte lui sera plus « source de douleur » que bain de jouvence…
Zuckermann revient puis repart, comme il était venu ou presque, débarrassé au moins de ses illusions, certain pour de bon, dans sa couche molle et puante, que la « seule assise solide » qu’il lui reste -élixir et refuge parmi tous- c’est la littérature.
Créée
le 11 oct. 2024
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