La passion du vide
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Houellebecq - et/ou son héros - voit sa vie lui glisser dessus comme l'eau sur le plumage du canard. Sans jamais s'y mouiller. A plusieurs reprises il tente de se jeter dans le grand bain de la vie, de se livrer à elle, mais jamais ses piteuses tentatives n'aboutiront, emmuré qu'il est dans sa misère routinière, faite d'une solitude toute moderne, et d'un consumérisme qu'il sait absurde et qui est pourtant tout ce qui lui reste.
J'imagine que le succès du livre tient au fait que Houellebecq avait constaté et décrit avec justesse les tristes effets de la dynamique libérale dès les années 1990, à une époque où c'était sans doute moins visible qu'aujourd'hui.
J'admets également que le style du livre, sans doute volontairement terne, alternant les réflexions de fond avec les remarques les plus triviales, confère à Houellebecq une certaine originalité dans sa manière de décrire la morosité de la modernité.
Pour autant, dans ce récit qui s'assombrit de page en page, on finit par se demander quelle part de responsabilité attribuer à l'environnement de l'époque sur l'auteur, par rapport à son caractère dépressif inné. La dépression se définit par une absence de goût, plutôt que le ressentiment d'un malheur. Or c'est bien ce qui est terrible dans ce récit : même dans le malheur, l'auteur n'y sombre jamais totalement ; il reste enfermé dans un état désespérément tiède.
Sans doute Houellebecq porte-t-il un regard avisé sur la modernité, mais il semble aussi irrémédiablement désenchanté. Sa vision de la vie aurait-elle été moins noire au temps des chevaliers ? Si par exemple le matérialisme le débecte, il ne semble pas plus ouvert à une quelconque forme d'ascétisme, de sagesse ou spiritualité : n'a-t-il pas un jour déclaré qu'il avait essayé le christianisme, mais là encore, échoué ?
Si la vie de Houellebecq est triste, c'est à mon avis qu'il n'ose pas se faire une grande idée de la vie, tout simplement. A commencer par la question des relations homme/femme, qui dans l'ouvrage semble misérablement réduite à celle de la sexualité. Et si je suis globalement en accord avec l'opinion de Houellebecq sur le féminisme (l'idée qu'étrangement, aucune avancée du féminisme ne s'est faite sans concorder avec les intérêts du capitalisme libéral : entrée dans le salariat, divers moyens techniques de ne pas avoir d'enfant, liberté sexuelle aboutissant au développement d'un "marché du désir" et la fragilisation de la communauté familiale, etc), on ne peut pas non plus cautionner son indéniable misogynie, tant la description régulièrement dégradante de ses personnages féminins trahit une frustration.
Bref, il s'agissait de ma première découverte de l'auteur, mais mon avis est fait : au cœur d'une civilisation à l'agonie, aussi finement décrite soit-elle, je préférerai toujours y voir vagabonder un Monsieur Hulot, lueur d'espoir, qu'un personnage errant de Houellebecq, mort parmi les morts...
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le 23 août 2018
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