Ces fables d'Esope n'ont certes pas pour elles la flamboyance du style. L'auteur y expose ses petites histoires de la façon la plus concise possible, parfois en seulement trois ou quatre phrases. Est généralement accolé une morale, qui s'avère être en fait une évidence même du bon sens, et puis on passe à la page suivante.
Cette extrême rapidité de lecture ne favorise pas forcément la mémorisation des aventures animalières (principalement), humaines et divines. On est parfois happés par l'humour, ou la poésie des situations. La naïveté de l'ensemble est sincèrement charmante et certaines morales révèlent même une vraie subtilité de la pensée, à l'instar de cette fable dont la morale est de cesser de perdre son temps à écouter des fables... Premier paradoxe de l'antiquité ?
La plupart du temps, pourtant, on se contente de conseils du style "Ne te mêle pas aux méchants" ou "Ne combats pas de plus puissants que toi". Cela pourrait être édifiant pour des enfants sauf que non, l'introduction nous rappelle bien que les fables antiques étaient destinées à un public adulte. Et là, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi un peuple qui a pratiquement inventé la philosophie et la tragédie eut besoin de mettre par écrit des évidences pareilles. Du bon sens, certes, mais des évidences quand même.
Reste un témoignage intéressant de la psyché grecque: ces fables exposent la sagesse du peuple commun, faite de tempérance, de fatalisme et de conservatisme. Il est inutile de se rebeller contre le sort. Les choses doivent toujours rester telles qu'elles sont et chacun voit son destin affirmé dès la naissance. Aucun espoir d'évolution, de changement ou de rédemption. Et pourtant, le bonheur semble presque plus facilement accessible qu'en notre époque où l'on nous dit que tout le monde peut changer et devenir ce qu'il souhaite, comme si plus aucune barrière n'existait. Pour ma part, je choisirai, comme Bouddha, la Voie du Milieu...