Pour ce 4e livre du cycle des Robots, Elijah Baley rempile pour une nouvelle enquête mettant en scène un meurtre commis par des robots, chose impossible compte tenu du triptyque de lois régissant les actions de ces derniers. Cette fois le crime a eu lieu sur Solaria - une célèbre planète sous pavillon Spacien – dont la particularité est l’absence de contact physique entre les habitants qui leur préfèrent les interactions holographiques. Ceci est d’autant plus surprenant que la planète est sous peuplée et que chaque spacien possède un domaine de plusieurs centaines de kilomètres entretenu par une véritable armada de robots palliant à tous leurs besoins. Des humanoïdes qui ne se rencontrent jamais physiquement et qui sont tous entourés de centaines de robots ; voilà un terrain de jeu idéal pour Elijah, à nouveau accompagné de R. Daneel Olivaw.
Si je ne prends pas la peine de vous présenter le duo d’enquêteurs, c’est parce qu’Asimov ne le fait pas non plus. L’action se déroulant quelques temps seulement après les évènements narrés dans Les Cavernes d’Acier, l’auteur part du postulat que le lecteur a déjà une certaine connaissance du background en vigueur dans son cycle. Si cela est déstabilisant pour un profane démarrant par le 4e opus, c’est plutôt appréciable pour les initiés qui sont propulsés, comme Elijah, directement dans le feu de l’action. Ainsi, on peut immédiatement se plonger dans la découverte de cette nouvelle planète qui tranche radicalement avec ce qui nous a précédemment été présenté de la Terre. Oublions les cavernes d’acier souterraines et ses lumières artificielles pour embrasser les grands espaces verts chauffés par la lumière naturelle d’un soleil au centre de son système.
Et autant dire que pour Elijah, un terrien pure souche, la découverte de Solaria est un choc. Au sens propre : vertige, perte de connaissance, crise de panique et d’angoisse ; ce changement d’environnement ne se fait pas sans heurts. Reste qu’en flic consciencieux, il surmontera ses phobies – qui le fascinent autant qu’elles l’affectent – et se mettra à braver les interdits solariens en rendant physiquement visite aux potentiels suspects. Eh oui, il n’y a pas de raison que seul Elijah doive aller contre sa nature, c’est d’ailleurs l’une des réflexions qu’amène en filigrane Isaac Asimov. Comme souvent avec l’auteur, c’est extrêmement bien fait, bien que le cadre particulier de Solaria ne soit absolument pas propice à l’action. Ici l’intrigue est lente et posée. Ce n’est pas un mal car la relation Elijah – Daneel continue de s’étoffer et nous, lecteurs, avons le temps de suivre l’enquête et d’essayer de la résoudre en même temps qu’eux. Mais sans rien vous spoiler, il va falloir vous accrocher sévère pour avoir le fin mot avant les enquêteurs !
Face aux Feux du soleil est dans la continuité du cycle des Robots et demeure donc une lecture très agréable. Asimov construit son univers avec cohérence et arrive parfaitement à intégrer le lecteur à l’enquête en compagnie d’un Elijah des plus attachants. Si on pourra déplorer un dénouement un peu capillotracté, on ne pourra a contrario qu’être fasciné par la conclusion du roman. En effet, l’auteur effectue une triple ouverture dépeignant les avenirs possibles de Baley, de l’humanité et de son (/ses ?) cycle/s de romans en donnant de la consistance aux réflexions induites par l’aventure que l’on vient de vivre. Et autant dire que ça donne vraiment envie de lire la suite !