J'ai lu Fahrenheit 451 à peu près au moment où Palmyre venait d'être détruite et que Daesh brûlait des livres à grand renfort de vidéos. Peut-être que c'est ce qui m'a décidée à lire enfin ce roman, peut-être pas. J'ai remarqué que pas mal de personnes qui l'avaient lu en même temps que moi établissaient un parallèle entre ces faits de notre actualité et ceux décrits dans le livre. Je pense que c'est un peu à côté de la plaque, que Fahrenheit 451 a une portée beaucoup plus large. Les autodafés, malheureusement, ne datent pas d'aujourd'hui. Mais pour ce qui est de la société imaginée par Bradbury pour son roman, c'est une autre histoire...
Il me semble que ce que presque tout le monde trouve en Fahrenheit 451, c'est cette incroyable et terrible adéquation entre un livre publié en 1953 et le monde d'aujourd'hui. En effet, de nos jours, on en est à peu près là : les infos défilent en continu sur nos écrans, on est submergé d'images et, si on continue à lire, une majorité de gens n'ont décidément pas envie de réfléchir. Parce que le point que dénonce Fahrenheit 451, ce n'est pas tant les autodafés que cette décrépitude dans laquelle se complaît la société : la tirade de Beatty à Montag est sur ce point on ne peut plus claire. C'est tellement frappant qu'on a envie de crier au génie visionnaire.
Bon, c'est ce que j'ai ressenti sur le coup. Je suis un peu plus mitigée avec le recul, bien que je pense toujours que c'est là un très bon roman, qui nous colle face à certaines de nos failles les moins plaisantes. Je n'ai pas pensé un seul instant, pendant ma lecture, ou même juste après, que Fahrenheit 451 était un roman réactionnaire. Pourtant, il a été parfois été, voire souvent, dénoncé comme tel et je me souviens bien d'avoir entendu Anne Staquet à la radio défendre ce point de vue : selon elle, les dystopies seraient réactionnaires, parce qu'en dénonçant les méfaits susceptibles d'avenir dans nos sociétés, elles inviteraient à ne surtout rien changer. Et c'est aussi ce qu'on peut lire dans Fahrenheit 451 : pas de révolution possible. Les opposants (les "hommes-livres") se terrent et attendent qu'on ait enfin besoin d'eux. Quant à la dénonciation de la toute-puissance de la télévision, elle peut apparaître comme très proche de certains arguments anti-jeux vidéo - autrefois anti-télé, anti-cinéma, dans l'Antiquité anti-théâtre (mais oui, même si ça semble aujourd’hui bizarre !), mais aussi anti-bande dessinée et anti-science-fiction... On pourrait décliner tout ça à l'envi. Et puis, tout de même, le livre qu'apprend Montag, c'est la Bible... Ce qui m'a franchement gonflée.
Je crois que les deux lectures sont bonnes à prendre et que Fahrenheit 451 est un roman à lire, qu'il constitue une puissante mise en scène des problèmes que notre société rencontre aujourd'hui, mais qu'il est aussi bon de prendre un peu de recul. Après tout, d'autres que Bradbury ont abordé le sujet, parfois plus subtilement et plus pleinement.