Falaises
6.5
Falaises

livre de Olivier Adam (2005)

Le narrateur s’appelle Olivier (comme l’auteur, Olivier Adam) et il s’annonce romancier… Il écrit comme un halluciné, avec un style parfois déroutant fait de phrases improbables qu’il faut parfois relire pour s’assurer qu’on a bien compris. Il cherche à faire le point sur sa vie qu’il partage avec Claire et Chloé leur fille de 3 ans. Un bonheur incroyable après une vie d’errance et de souffrances familiales.

Olivier l’annonce, autour de lui tous sont morts ou disparus. Son frère Antoine vit peut-être encore, à l’autre bout du monde, marin anonyme sur un cargo quelconque. L’esprit de famille ? Il semble qu’il ait disparu à la mort de la mère, alors qu’Olivier avait 11 ans. Là où le bât blesse, c’est qu’il se sent comme vide de souvenirs d’avant la mort de sa mère. Il en est à se demander comment pouvait être cette vie d’avant. Y a-t-il eu des moments de bonheur ? Il en raconte à la fin, sans trop savoir s’il s’agit de souvenirs enfin accessibles ou de rêves trop espérés.

Olivier aimait sa mère, l’âme de la famille. La famille vivait dans une banlieue anonyme et tristounette. Lui-même écrit alors qu’il est dans un hôtel d’où il voit les falaises d’Etretat. Sa mère a été hospitalisée. A sa sortie, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Olivier l’a emmenée à Etretat pour qu’elle se refasse une santé. Il l’a observée plusieurs fois sortir la nuit et se tenir au bord d’une falaise. Puis, un soir, sans prévenir, elle a sauté.

Ensuite, la vie d’Olivier ne fut plus qu’une sorte d’errance ou de simple survie. Devenu adulte, il a échoué à Paris, travaillant comme veilleur de nuit dans un hôtel. Il vivait sordidement dans un meublé, voisinant avec d’autres paumés comme ceux qu’il côtoyait lors de sa jeunesse.

Dans sa jeunesse, lui et son frère Antoine trainaient souvent avec Lorette (qui souffrait d’anorexie) et sa sœur Laetitia. Olivier décrit une vie triste dans une banlieue sans espoir. Une phrase montre bien l’ambiance « … sur M6, on passait ces films érotiques où les hommes comme les femmes gardent leur slip pour s’accoupler sur des peaux de bêtes, tandis qu’un saxophone souligne la sensualité de l’instant. »

Quant à Antoine, après la mort de la mère, il part courir le monde pour échapper à la violence du père. Une violence aveugle, bête et méchante, contre laquelle Olivier ne peut rien. C’est à tel point que les liens familiaux se défont. Olivier croisera son père à l’occasion dans Paris. C’est tout juste s’ils échangent quelques mots. Tout ce que veut le père, c’est qu’on lui foute la paix.

Olivier écrit donc pour s’interroger. Comment a-t-il pu survivre à toute cette détresse humaine qu’il ne comprend pas ? Il écrit « On ne sait jamais rien de ce qui se noue entre les êtres, eux-mêmes souvent l’ignorent, et le découvrent en se perdant. » Ainsi, il fait la connaissance de Léa, sa voisine dans le meublé parisien où il a échoué. Une autre paumée qui reçoit souvent des hommes. Prostitution ? On ne sait même pas. Olivier la console à l’occasion. De quoi exactement, il l’ignore. Une histoire d’amour en pointillés où leurs meilleurs moments sont faits de longs silences.

Et puis Olivier est obsédé par le vague souvenir qu’il a de sa mère jeune. Il pense souvent à elle. Au point qu’il pense la voir dans Paris. Il en arrive au point de se demander comment elle a pu survivre à sa chute à Etretat. Un début de trame policière ? Pas du tout.

Ce roman est donc celui de la confusion mentale née d’une histoire familiale mouvementée. L'auteur montre un réel talent pour faire sentir la difficulté à communiquer pour ces êtres perturbés qui se débattent dans leur vie quotidienne pour trouver leur voie et comprendre qui ils sont exactement. A ce titre, la narration ouvre beaucoup de pistes. Ceci dit, le lecteur doit être assez attentif, car Olivier Adam rend bien la confusion mentale de son narrateur. Une écriture de type catharsis où le lecteur doit démêler les faits de leurs interprétations.

Le type même du roman qui fera fuir ceux qui reprochent le fort penchant de la littérature française pour l’introspection. Chacun fait ses choix. Pour ma part, je ne regrette pas d’avoir lu celui-ci.
Electron
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le 7 janv. 2014

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