Un polar uchronique? Après la déception provoquée par la lecture du prix Hugo 2008 Le Club des policiers yiddish, j'étais réticent à me replonger dans le genre, d'autant plus que les uchronies post-seconde guerre mondiale avec victoire de l'Axe avaient déjà leur maître (du Haut Château). Mais mon goût pour les histoires alternatives a fini par prendre le dessus, et bien m'en prit, car Fatherland s'est révélé un polar haletant aussi bien qu'une uchronie de qualité.
L'hypothèse de départ? Elle diffère légèrement du roman de K.Dick : si les Allemands ont bien assimilé la leçon de Napoléon et attaqué la Russie l'été ce qui leur a permis de vaincre les Slaves et de garder la mainmise sur l'Europe entière, les Américains, contrairement au texte de l'auteur d'Ubik, se sont finalement défait du Japon à grand coup de bombes (atomiques), ce qui a entraîné un état de guerre latent (pour ne pas dire une guerre froide) entre les deux grandes puissances, malgré la politique antisémite du Président Kennedy (papa Joe, et non pas Jack). Mais l'anniversaire du bien-aimé Führer pourrait offrir l'occasion d'un rapprochement entre les deux pays...
C'est dans ce contexte que se déroule l'enquête de March, inspecteur de la KriminalPolizei (ah la poésie des grades de l'armée allemande!), sur une série de meurtres d'anciens S.S. L'occasion de découvrir l'univers enchanteur de ce 3ème Reich des sixties (ou devrais-je dire des sechzigerjahre), entre gigantesques monuments berlinois célébrant la Victoire, petites délations entre amis, Gestapo au top de sa forme, gamins rêvant des Jeunesses Hitlériennes, et autres réjouissances totalitaro-teutonnes qui rendent ce monde plutôt crédible.
L'intrigue, bien que classique dans sa forme, nous offre suffisamment de rebondissements pour nous faire oublier les quelques faiblesses du roman, notamment le « secret » vite éventé, et l'absence frustrante d'informations sur les pays extérieurs au Reich dont la France (ou peut-être bien que ça n'intéresse personne à part moi...)
Au final, un univers réussi et cohérent, comme les aime tout amateur d'uchronies, qui se hâtera de conseiller ce livre afin de convertir ses amis à ce genre si intéressant.