Fay
6.6
Fay

livre de Larry Brown ()

L’apaisement est anesthésié par un courroux ardent, une rage bâtie de fer blanc, de mots douloureusement simples, douloureusement pâles. La plume de Larry Brown sonne la trompette de la lassitude, les descriptions fades semblent étudiées pour percer au cœur du lecteur une simagrée de tromperie de qualité. La quatrième de couverture s’arrange pour un monde noir, glauque, malsain, une débandade d’émotions qui se révèlent, au final, une corolle de niaiseries, une eau calme, stagnante, croupie même. Alors la colère nait, pire encore, la phrase survient dans une pluie de culpabilité vite rejetée cependant : ce livre me fait mon temps. Rare sont les fois (deux) où un livre fut aussi abject à ma vision de la lecture, habituée à terminer, cette-fois ci j’ai lâché mollement, la jolie couverture me tombant littéralement entre mes mains tremblantes.


Il commençait bien cela dit, in médias res, la fillette vogue sur une rue désolée, rue américaine, paysage de campagne où les maisons s’entrechoquent par leur architecture homogène, elle est là, perdue, déboussolée, un oiseau sanglant dans la brume d’une matinée morne. On s’approche doucement, curieux de suivre ses pas tandis qu’elle donne, bienveillante, un billet symbolique sur la table d’une cuisine inconnue. Son périple se poursuit, prise par des loups dans une bagnole insipide, elle est cette gosse pas finie, un pied dans l’enfance sublime, un pied dans la tourmente d’une personnalité vide de sens, une psychologie incohérente. Les dialogues se poursuivent, la longueur, ensuite, de ce récit sans saveur s’inventent en grande conquérante. Des Ok se mêlent au « tu fais quoi », des questions routinières se mélangent des répliques vides, mortes. Alors l’espoir s’éteint, la flamme se délite dans une tornade de trahison. La quatrième de couverture disait… Oui elle s’exclamait d’une histoire saoule d’un voyage au cœur de l’enfer, par cette enfant se cherchant elle-même. J’attendais un roman d’initiation, voir un thriller ; une histoire émouvante, recherchée, construite sur des visuels malsains, des contrées en ruines, et les personnages façonnés par une plume auréolée de talent. Je n’ai rencontré qu’un style insipide, une tasse d’eau de mer, de flotte amère.


Je n’étais pas prête à cette médiocrité de pages et de pages, la longueur ne me dérange pas mais les routinières scènes me déplaisent, la littérature sublime le présent, embellit ou enlaidit les moments banals, discute avec le lecteur d’une vision de la vie, la littérature c’est la montagne sacrée d’une vie vécue par procuration, une invitation des mots à s’engouffrer dans un imaginaire devenant par magie une réalité intime. Ici ce fut un enfer, un Everest à franchir, un obstacle, un texte qui promettait quelques trésors, l’écrivain a souhaité écrire une observation de cette société américaine peut-être, mais les éléments flottent dans un lac de boue, les sujets sont traités en une phrase vite consumées par les dialogues transparents, énervant ensuite quand le lecteur perd patience. J’ai perdu le maigre lambeau de cette vertu que l’on nomme patience par un taux d’ennui largement supérieur à ce que je peux supporter. L’amour aussi est présent, mais là aussi, ce fut dramatique, un homme, une femme, certes ; mais les sentiments sont mornes, sans existence, éphémères, ils s’embourbent dans une intrigue en dent de scie, les scènes se montrant épiques, un summum de sensation n’offrent qu’un résidu de désespoir. C’est à se cogner la tête contre un mur.


La couverture sauve le contenu en réalité, cette image aquarelle, mystérieuse ; le récit s’effondre dans un étau d’insuffisance, de maladresse, il est sans passion, il est pathétique de néant. Je suis, pour une fois, une lectrice bafouée dans ses gouts, une lectrice qui, heureusement, a su libérer le bouquin à temps, ce temps qui aurait dévoré une envie de lire. Je n’ai su arriver jusqu’au bout, mais, ayant survolé la dernière page je sais que la fin aussi est tout aussi frustrante. Quand on regarde un peu mieux, on pourrait se dire que l’auteur possède le mérite, tout de même, de rester fidèle à son ambition de pondre de l’inoccupé.

Celestial
2
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le 2 févr. 2017

Critique lue 328 fois

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