Sixième roman de Maria Pourchet, Feu s’illustre par la rencontre d’un homme ( Clément) et d’une femme ( Laure) que tout oppose émotionnellement.Leur expérience va durer six mois et ces deux là vont connaître les vertiges d’un amour non partagé. Très vite, on comprend que c’est Laure qui choisit Clément comme amant et que ce dernier n’est pas en mesure de l’accueillir dans sa vie comme elle le souhaite. Ce fil conducteur choisi d’emblée par Maria Pourchet ne s’arrête pas là car elle choisi une double narration où Laure et Clément s’expriment sur leur relation en cours, mais aussi sur leurs environnements professionnels et leurs positionnements face à la vie. A travers ses personnages, l’écrivain aime à montrer qu’un homme et une femme ne vivent pas le sentiment amoureux et sexuel de la même manière. Même si cet état de faits n’est pas nouveau, Maria Pourchet parvient à faire passer les frustrations,les insatisfactions chroniques,les colères intérieures et leurs incompréhensions avec un style redoutablement incisif. En n’épargnant ni Clément ni Laure dans leurs failles et leurs maux, elle parvient à un récit « coup de poing »qui désarçonne. Pourtant, ces vérités profondes ont cette qualité de ne pas être consensuelles et d’établir pourquoi un homme et une femme contemporains ne sont pas à même de profiter de la vie et de s’épanouir. Quelque part, même si elle ne décrit pas les mêmes univers, Maria Pourchet a quelquechose d’un Houellebecq au féminin car elle refuse la moindre concession à un réel insatisfaisant et déprimant. J’ai aussi beaucoup aimé la manière de Maria Pourchet de décrire les microcosmes universitaires et bancaires, lieux de pouvoir où règnent quand même des postures nauséabondes. Le personnage de Véra,fille aînée de Laure, est aussi emblématique de cette féminité qui ne veut plus s’en laisser compter et revendiquer une liberté sans entraves. Les difficultés générationelles entre mère et fille sont très justes. Tandis que Laure s’adresse à sa mère et sa grand-mère disparues pour avoir comme un avis sur sa façon de vivre son adultère ou sa vie de femme, Véra s’affranchit jusqu’au bout de l’avis maternel et ne se prive jamais de le récuser. Feu est aussi un roman où la Covid fait désormais partie intégrante du quotidien et c’est bien d’avoir ce genre de recul sur les romans parus en 2021. Je dois dire aussi que l’épilogue sur le personnage de Clément est une véritable claque tout en reflétant un mal-être existentiel incommensurable. Et laisser Laure sur la lettre de Clément est aussi terrible car elle amorçait une reconstruction deux ans après la fin de son histoire avec lui. Rempli de qualités mais très âpre, Feu est une lecture à réserver à un public averti et je ne vous cache pas mon soulagement d’avoir lu le dernier mot de la dernière page.