Discours du récit est un essai de méthode appliqué à la Recherche du Temps perdu. Gérard Genette s'y surpasse. L'hypertechnologie de l'analyse textuelle donne des résultats d'une poésie inattendue. Quelques citations en témoignent :
"Cette distinction n'est pas aussi futile qu'elle peut le paraître au premier abord. En effet, les analepses externes et les analepses internes (ou mixtes, dans leur partie interne) se présentent de façon tout à fait différente à l'analyse narrative, au moins sur un point qui me semble capital. Les analepses externes, du seul fait qu'elles sont externes, ne risquent à aucun moment d'interférer avec le récit premier, qu'elles ont seulement pour fonction de compléter en éclairant le lecteur sur tel ou tel "antécédent". (p : 91).
C'EST TOUT A FAIT CLAIR !
"Avec le second type d'analepses (internes) homodiégétiques, que nous appellerons précisément analepses répétitives, ou "rappels", nous n'échapperons plus à la redondance, car le récit y est ouvertement, parfois explicitement, sur ses propres traces. Bien entendu, ces analepses en rappel peuvent rarement atteindre des dimensions textuelles très vastes : ce sont plutôt des allusions du récit à son propre passé, de ce que Lämmert appelle Ruckgriffe, ou "rétroceptions". Mais leur importance dans l'économie du récit, surtout chez Proust, compense largement leur faible extension narrative." (p : 95)
PROUST, AU SECOURS !
"Les prolepses internes posent le même genre de problème que les analepses du même type : celui de l'interférence, de l'éventuel double emploi entre le récit premier et celui qu'assume le segment proleptique. On négligera donc ici, de nouveau, les prolepses hétérodiégétiques, pour lesquels ce risque est nul, que l'anticipation soit interne ou externe, et parmi les autres, on distinguera encore celles qui viennent combler par avance une lacune ultérieure (prolepses complétives), et celles qui, toujours par avance, doublent, si peu que ce soit, un segment narratif à venir (prolepses répétitives)." (p : 109)
CELA PROLIFÈRE AD LIBITUM... ENCORE UN EXEMPLE :
"Dès nos premières micro-analyses, nous avons rencontré des exemples d'anachronies complexes : prolepses au second degré dans le segment emprunté à Sodome et Gomorrhe (anticipation de la mort de Swan sur anticipation de son déjeuner avec Bloch), mais aussi analepses sur prolepses (rétrospection de Françoise à Combray sur cette même anticipation des obsèques de Swan), ou au contraire prolepses sur analepses (par deux fois dans l'extrait de Jean Santeuil, rappels de projets passés)." (p : 115-116).