Cette critique concerne les Tomes 1 à 6 de Fortune de France
Mon Pierre,
Je me permets de vous appeler "mon Pierre", vous qui, tout au long de vos "Mémoires", m'avez qualifiée de "Belle lectrice". Je me permets aussi de m'adresser à vous dans ma langue du Nord et du XXIème siècle. Non que votre langage archaïque et mâtiné d'Oc m'ait été difficile à comprendre. Mais, comprenez-moi, il m'est difficile, sinon impossible, de l'utiliser à l'écrit sans être ridicule.
J'ai aimé lire vos Mémoires, mon Pierre. J'ai aimé partager vos années d'enfance, en votre château de Mespech, entre votre catholique fervente de mère et votre fier huguenot de père, ex-officier, ex-futur médecin (qui aurait dû rédiger - en latin - un traîté sur l'hygiène), entre votre radin d'Oncle Sauveterre, vos cousins jumeaux incroyablement attachés l'un à l'autre, votre gentil frère bâtard Samson, votre domesticité réduite, mais haute en couleur.
J'ai aimé plonger dans l'ambiance de l'Ecole de Médecine de Montpellier, partager vos amitiés avec des étudiants peu conformistes (un athée homosexuel et un déterreur de cadavres, quand même...) et vos amours plutôt... éclectiques (quel séducteur, mon Pierre, de la grande dame à la putain...); J'ai été émue par votre amour fraternel pour Samson, et votre relation maître/serviteur avec ce bon Miroul. J'ai tremblé pour vous lors de la Michelade et la Saint-Barthélémy. Vous m'êtes devenu une sorte d'ami de papier.
(Et en tant qu'amie, je me permets, mon Pierre, de vous demander ce que vous trouviez à Angelina. Sérieusement, Angelina ? Elle est transparente, comparée à toutes les dames qui ont croisé votre route... Je dis cela, alors que je ressemble sans doute bien plus à Angelina qu'à My Lady Markby ou à votre petite mouche d'enfer...).
Et puis...
Et puis, il y a, dans vos Mémoires, cette ellipse de dix ans (mais comment, comment et pourquoi, êtes vous tombé sous le charme du Roy Henry Troisième?).
Et puis,vous êtes devenu, non seulement le Médecin de ce Roy, mais son agent secret. Et ensuite, l'agent secret du Bon Roy Henri IV. Et, je l'avoue, mon Pierre, le charme s'est rompu. Comme je préférais lire vos aventures quand vous n'étiez qu'un témoin de l'Histoire, et non un acteur de l'Histoire. Comme je préférais vous lire quand vous me racontiez les effets de la Politique et des querelles des Grands sur "Monsieur et Madame Tout-le-Monde", plutôt que quand vous étéiez un agent de cette même politique. Comme j'aurais préféré que votre Créateur vous laisse vous installer comme Révérend Docteur Médecin en la bonne ville de Bordeaux, plutôt que de vous envoyer par monts et par vaux côtoyer les Puissants de votre monde (et servir d'espion à votre Maître) !
Comme j'aurais aimé que "Fortune de France" reste l'histoire de Pierre de Siorac, et ne devienne pas "la politique de Henri III et Henri IV" vue par Pierre de Siorac.
Ceci dit en toute amitié, mon Pierre.