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Prosper Grégoire Leung, Spur pour ses proches, apparaît comme un citoyen sans histoire, aimant cultiver son verger de pommiers. Certains – évidemment malintentionnés et ignorants des vertus de la simplicité – diraient un brave cul terreux. Ou un plouc. Fort heureusement, Spur n’a que faire de leur avis sur son mode de vie qui est également celui librement choisi par tous les citoyen de l'État Transcendant.
Fondée par le président Jack Winter sur la planète du Pois de Moroboe, après son rachat à ces anciens propriétaires, cette jeune nation a rebaptisé le lieu de son utopie tranquille du nom de Walden, en l'honneur du philosophe américain.
Dans l’hôpital où il se remet de ses brûlures, après avoir lutté contre les terrifiants incendies ravageant les magnifiques forêts de Walden, feux déclenchés par les premiers habitants de la planète en rébellion contre l'État Transcendant, Spur occupe le temps en jouant avec la tell. Par son truchement, il contacte d'abord sa parenté sur la planète. Puis, l’oisiveté et la tentation que représente ce puissant outil de communication avec L’en haut (comprendre les mille autres mondes peuplés par l’humanité) l’amènent à rechercher les membres de sa lointaine famille qui y vivent encore. Une tâche ardue car, avant que ses grands-parents n’émigrent sur Walden et ne deviennent des citoyens de l'État Transcendant, ils ont éradiqué, conformément à la règle, toute information sur leur passé.
C’est donc un peu par hasard – les hasards d’un moteur de recherche et d’un filtrage défaillant de son appel – qu’il fait la connaissance du Haut Grégoire de Kenning et de son l’ung. Rapidement l’étrange ressortissant de L’en Haut annonce sa venue sur Walden.

Contrairement à ce que laisse présager la quatrième de couverture, Fournaise n’est pas un roman au rythme haletant se déroulant au cœur d’incendies dévastateurs. Il ne décrit pas davantage la lutte des paisibles citoyens de l'État Transcendant contre les criminels incendiaires ou le combat désespéré des natifs d'une planète face à un mode de vie qu'ils réprouvent.
En fait, Fournaise se rapproche davantage d’une tranche de vie, nous faisant épouser le point de vue d’un individu à un moment crucial de son existence. Un moment qui pourrait déboucher sur une remise en cause de celle-ci, tout en évitant l’écueil du didactisme ou du texte à message.
Tout bien réfléchi, la démarche de James Patrick Kelly me rappelle celle de Ursula Le Guin dans son roman Les Dépossédés. On se situe en effet dans un registre assez proche de celui de cette utopie ambiguë.
Ainsi James Patrick Kelly ne laisse transparaître aucun avis. Son point de vue est celui de Spur, citoyen débonnaire de l'État Transcendant. Un individu totalement convaincu du bien fondé de l'utopie pastorale où il vit. Une utopie reposant sur une sorte de citoyenneté de bon voisinage et sur une éthique de simplicité s’inspirant de celle professée par Henry David Thoreau.
Certes ceci ne l’empêche pas de douter parfois de certaines règles et de manifester quelque curiosité pour L’en haut. Toutefois, à la différence du héros de Les dépossédés, il ne manifeste aucune velléité de quitter sa planète. Bien au contraire, l’en Haut s’invite chez lui en la personne d’un être supérieur par l’éducation, le niveau technique et qui paradoxalement lui semble totalement immature par son excentricité d’adolescent. De cette rencontre et de l’incompréhension qu’elle génère ne naît pas un choc des civilisations ou un statu quo stérile mais bien une synergie drolatique.
Kelly manifeste une sincère empathie pour ses personnages. On est touché par la simplicité de l'histoire. On sourit des péripéties provoquées par l’intrusion du haut Grégoire et de son l’ung. On s’émeut du drame qui se noue en filigrane, tout en admirant la réelle économie de moyens dont use James Patrick Kelly.
En 156 pages, l'auteur pose le contexte de son histoire, immerge le lecteur dans cette utopie pas si tranquille et boucle son histoire.

Pourtant, on reste aussi sur sa faim.

Fournaise n’est que l’ébauche – format oblige – d’un ensemble plus vaste que l’on ne fait qu’entrevoir. Pour quelle raison les premiers habitants de Walden refusent-ils une utopie qui ne semble pas répressive ? Pour quelle raison choisissent-ils de s’immoler dans une action kamikaze alors qu’il existe tant de moyens de mettre le feu sans attenter à ses jours ? Pourquoi certains citoyens de l'État Transcendant épousent-ils leur cause ?
À ces questions et à bien d’autres, il ne sera apporté aucune réponse. Sans doute beaucoup de lecteurs ressortiront-ils de cette lecture dubitatifs, voire quelque peu agacés. Mais c’est le choix de l’auteur de n’apporter aucun autre point de vue, choix assumé et respecté jusqu’au bout.
leleul
8
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le 22 sept. 2012

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