Frankeinstein. Tout le monde connaît ce nom. Ce patronyme est tellement célèbre que dans l'imaginaire populaire il est régulièrement associé à la créature. Il faut dire aussi que Boris Karloff l'a interprété avec énormément de classe et que cela a dû énormément jouer. Mais en tout cas là si j'écris ce petit billet c'est pour parler de l'oeuvre originale, celle écrite par Mary Shelley au début du XIXe et qui fait office de tout premier roman de science fiction de l'histoire. Rien que ça.
Bon, je ne vais pas vous faire l'affront de vous raconter l'histoire de Frankenstein. Dans les grandes lignes, tout le monde la connaît : A la fin du XVIIIe siècle, le scientifique Victor Frankenstein crée un être à partir de cadavres et perd le contrôle de sa création qui va se mettre à semer le chaos et la destruction autour d'elle. Basiquement, ce résumé s'applique au livre. Mais sa structure épistolaire a un réel impact sur la narration et de facto sur l'histoire elle-même.
Oui, déjà il faut bien le comprendre; Frankenstein ou le Prométhée moderne est un roman épistolaire; c'est à dire que l'historie nous est narrée à travers des lettres. D'abord celles de Robert Walton, un marin qui vogue vers l'Arctique, qui correspond avec sa soeur restée en Angleterre pour lui raconter son périple, puis R. Walton va retranscrire le récit de Victor Frankenstein qu'il a sauvé de la noyade - ce qui représente le coeur de l'histoire - et enfin Victor Frankeinstein retranscrit le récit de la Créature à Walton qui le retranscrit à son tour à sa soeur via ses fameuses lettres. Non, Nolan n'a pas inventé le concept d'Inception, C'est Mary Shelley !
Ecrit en 1818, force est d'admettre que le roman se lit plutôt bien. Bon, il faut faire avec d'interminables descriptions de paysages et un langage très soutenu lors des conversations mais d'une manière générale cela n'entrave pas la bonne marche du récit. Par contre, le récit en lui-même m'a déçu. Au niveau de la forme, autant la description de l'époque et des environnements est irréprochable, autant le traitement des personnages, que ce soit d'un point de vue physique ou psychologique - hormis le protagoniste principal, Frankenstein - laisse franchement à désirer. Difficile d'éprouver de l'empathie pour des personnages dont, au fond, on ne sait rien puisque tout tourne autour des états d'âme de Victor.
Le second reproche que j'adresserais au récit c'est au niveau de sa cohérence. Il n'y en a pas. Bon, je vais spoiler l'intrigue mais honnêtement c'est tellement cousu de fils blancs, que vous ayez vu certains films ou non, que j'estime que ce n'est pas vraiment gênant. Quand la créature s'enfuit du laboratoire, elle va s'en prendre aux proches de son créateur. D'abord son petit frère qu'elle étranglera avant de faire porter le chapeau de ce meurtre à la servante de la famille Frankenstein. Par la suite la créature assassinera le meilleur ami de Victor et enfin sa femme. Bref, j'aurais pu intituler ma critique "Sympathy for Mr Vengeance".
Mais là où le bât blesse, c'est que cette vengeance est bancale. Comme par hasard, le monstre tombe sur le petit frère de son créature. Comme par hasard il glisse la pièce à conviction sur le corps endormi d'une proche de son créateur qui dormait dans une grange. Comme par hasard il tombe nez à nez, à l'autre bout du monde, avec le meilleur ami de Victor. Là ce n'est plus de la chance, c'est une invitation pour jouer toutes ses économies au loto ! C'est juste surréaliste et personnellement ça m'a sorti du récit.
D'ailleurs en parlant de récit, je me dois d'aborder celui de la Créature. Je ne vais pas trop m'attarder sur le langage employé mais je me contenterais de dire qu'elle s'exprime mieux que 99% des gens et maîtrise l'emploi de temps que les jeunes d'aujourd'hui ne soupçonnent même pas. C'est vraiment déstabilisant. Mais non, je ne m'y attarde pas car lorsque le Monstre raconte son épopée à Victor, c'est, pour moi, le meilleur moment du livre.
C'est la partie plus humaine du récit. La plus touchante également. On assiste à la naissance et aux premiers pas d'un être qui n'a jamais demandé à voir le jour. Un être qui, de part sa difformité, sera immanquablement rejeté par les hommes. Un être innocent et immédiatement perverti par la cruauté des êtres humains. Le récit de la créature vaut à lui seul la lecture de ce roman tant ce passage est fort et riche en émotions. Une réflexion concise et bien menée sur la différence. Une réflexion qui est toujours d'actualité et ça c'est fort. Malheureusement.
Donc voilà, que retenir de ce classique de la littérature ? Déjà, si vous êtes férus de SF, il y a de grandes chances que vous en sortiez déçus. Ce Prométhée moderne est une réflexion sociale sur la différence (Créature) et sur le sens de la vie (Créateur). Ensuite, il faudra faire avec des incohérences narratives et un style un peu ampoulé mais malgré tout accessible. Cependant je ne regrette pas ma lecture. Non seulement elle m'a diverti mais a fortiori elle m'a apporté un autre regard sur les versions cinématographiques. Et le message que véhicule cette tragédie teintée de fantastique mérite qu'on s'y attarde.