Obscurité, violence, haine, désespoir, perdition, chagrin, malheur…est-ce grave Docteur ?
Ce récit nous compte le funeste destin du célèbre Victor Frankenstein qui se prit à rêver de façonner un nouvel homme, un être supérieur. Mais le pauvre Docteur, se prenant pour le maître de la Création, oublia de réfléchir aux conséquences et de s’interroger quant à la légitimité et l’éthique de son œuvre. En effet, cette histoire met en lumière l’ambivalence de la science que l’on place parfois sur un piédestal, mais qui, sans garde-fou, peut être dévoyée de sa quête de vérité et de bien pour sombrer dans la perversion.


Tout au long de cette œuvre, nous sommes tiraillés. Nous sommes submergés par des sentiments ambivalents. En effet, d’un côté, le « savant-fou » qui ne pense pas à l’ignominie de son expérience. Chez le lecteur, naissent alors des sentiments de colère, de dégoût. Mais sa pénitence sera bien lourde, lui faisant subir les pires châtiments, sa Créature se vengera. La souffrance, la tristesse et la désolation nous envahissent face à cet homme voué à ses expiations.
De l’autre côté, une créature abhorrée par son père, déshumanisée par celui-ci et par l’homme. Elle a pourtant su faire preuve de beaucoup de courage, d’ouverture d’esprit, de volonté et d’altruisme pour que l’étincelle d’électricité qui a fait renaître la vie dans ce corps mort se transforme en humanité. Un puissant sentiment de compassion ainsi que de l’admiration s’emparent d’abord de nous quand cette dépouille ambulante se retrouve livrée à elle-même, abandonnée par son créateur, à essayer de recouvrir les facultés qui furent celles de tous les défunts qui la composent, essayant tout simplement de survivre, de se faire une place sur terre. Puis un fort sentiment d’injustice prend possession de nous lorsqu’elle est rejetée de tous. Nous comprenons les sentiments qui l’assaillent : vengeance, colère, haine… Mais lorsque ses plans diaboliques nous apparaissent, nous finissons par nous dire qu’en réalité, ce n’est qu’un démon né de l’esprit torturé d’un homme qui s’est prit pour Dieu. Mais finalement est-ce réellement de sa faute ? Est-elle responsable ? Après tout, elle n’a rien demandé à personne, chaque morceau de cadavre qui la constitue reposait paisiblement en terre jusqu’à ce que cet inconscient de Victor aille les déterrer. Et Victor, à jouer avec le feu, enfin l’électricité, n’a-t-il pas mérité ses peines ?


Ce roman nous pousse à nous interroger sans arrêt sur la responsabilité de chacun. L’homme, effrayé par la différence de cette créature, la rejetant alors, n’est-il pas coupable d’avoir créé un monstre ? Le « monstre » n’est-il pas devenu monstre à cause du regard et de l’attitude de l’homme ? Ne serait-ce pas l’homme le réel monstre ? Celui qui crée sans penser aux conséquences, qui rejette les différences… Cela ne ressemble-t-il pas à notre société ? Récit ancré dans la réalité finalement…


Il nous encourage à réfléchir à l’égoïsme de l’homme.


Frankenstein après sa création irraisonnée (première preuve de son égoïsme) se rend compte de sa folie et rejette son œuvre, mais la créature, souffrant de sa solitude, lui demande de lui créer une épouse. Le docteur accepte par peur des représailles suite aux menaces de son Prométhée. Mais il finit par réaliser qu’il ne peut accéder à la requête de ce dernier sans mettre l’humanité en danger, il livrerait le monde aux mains d’un couple surhumain et emplit de vengeance et de rage


. Malgré le péril, il renonce. Néanmoins, la créature n’est-elle pas honnête lorsqu’elle clame ses bonnes intentions et son unique désir d’amour et de compagnie ? Après tout, elle ne désire sûrement, comme tout homme, que l’amour. Car malgré l’atmosphère négative et pesante de ce livre, il est aussi une ode à l’amour : l’amour réciproque entre Victor et sa bien-aimée Elizabeth, l’amour de Victor pour sa famille et ses amis, l’amour et la reconnaissance, l’acceptation dont rêve la Créature.


Tout au long de ces pages, nous sommes donc les témoins d’une quasi-destruction d’un homme par la douleur qui n’attend alors que la mort pour être libéré, mais aussi de la force de la vengeance qui lui permet de se relever et de lui donner l’envie de se battre pour venger les siens et protéger l’humanité, en réparant son erreur. Une quête de rédemption, d’absolution d’un homme anéantit, martyr par ses propres faits. La déchéance d’un homme et de sa création qu’il entraîne dans sa chute en la privant de l’essence de la vie, l’amour. Cet être pervertit par la défection de son père, de l’humain voit son cœur et son esprit corrompu par l’aversion et la soif de punition. Il sombre alors dans le Mal jusqu’à ce que la lumière éclaire à nouveau son esprit et son cœur, le plongeant dans les remords et le regret.


Cette lumière n’a pas d’autre source que le funèbre sort de son père.


Je dois tout de même admettre que j’ai été déçue de certaines descriptions qui n’ont pas été assez exploitées à mon goût.


Par exemple, lorsque Victor détruit sa deuxième créature, l’épouse tant attendue, la scène est décrite brièvement et n’exprime pas assez toute la violence à laquelle on pourrait s’attendre et cela ne révèle donc pas assez intensément la colère qui accable Victor.


Il y a tellement de choses à dire et découvrir sur cette magnifique œuvre gothique que je ne peux que vous encourager à vous plonger dans ses pages qui vous révéleront l’expression de multiples sentiments obscurs et lumineux. Et à vous délecter de ce beau et châtié langage.

Alexa-Lou
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le 3 nov. 2018

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