On se rend compte vite au cours de sa lecture à quel point le roman aura influencé le siècle suivant ; de pour l'invention de mon genre de prédilection, la science n'étant pourtant pas un domaine que j'affectionne, et cela semble également le cas de l'autrice, qui nous épargne tous termes techniques et précisions fastidieuses quant à l'élaboration de la créature. Elle est ainsi même déjà critique envers les possibles dérives que pourront amener la science, quant à la création d'énergies qui nous dépassent. Le roman aura également inventé la figure de ce monstre, qui au fur des décennies et de ces nombreuses incarnations (« Elephant Man », « Edward aux Mains d'Argent »....) gagnera en humanité. Ce qui manque beaucoup au personnage principal ; le créateur.
C'est un peu dommage, le début commençait bien, je trouvais intéressant de suivre les tourments suivant la création de sa créature, mais très vite, ces tourments finissent par tourner en rond, au point de ne plus comprendre le personnage. A la lecture de l'histoire de sa créature, n'importe quel progéniteur ferait prompt d'un minimum de compassion ; malgré ses quelques hésitations, ce ne sera pas le cas de Frankenstein. Et pourtant, en agissant ainsi, en ne suivant pas les envies de la créature, en détruisant ce qui aurait pu devenir « La Fiancée de Frankenstein », il met lui-même toute sa famille en danger, amplifiant ce qui aurait peut-être pu être une menace passagère. Il y a bien ce dilemme, « créer deux monstres au lieu qu'un » mais le pari était tentant, toujours mieux que de provoquer la colère de sa création.
A partir de ce moment, le créateur s'enfonce, comme conduit par la fatalité, tout en se plaignant tout au long de ses propres erreurs. Et cela devient fatiguant. Pourquoi par exemple avancer ce mariage, tout en sachant que la créature se montrera ? J'ai ri à la mort d'Elizabeth, si prévisible. Frankenstein fatigue aussi car, en racontant son histoire, il ne peut s'empêcher d'y aller en langoureuses plaintes « Oh si vous saviez le mal qui allait m'arriver. Oh si seulement cela avait été le pire »... Raconte ton histoire et ferme-là ! C'est déjà long comme ça ! Ou sinon, prend au moins une bonne décision de tout le roman ! La vengeance sera peut-être la meilleure, même si en vérité, il ne s'en prend qu'à lui-même, faisant du monstre et du créateur, une même personne, un même monstre (prédisant alors des figures schizophrènes à la Dr Jekyll et Dr Hyde) épris de tristesse et de haine.
Il m'était aussi difficile de suspendre mon incrédulité, à partir du moment où je comprends que tout le roman n'est qu'une lettre qu'un capitaine de navire envoie à sa chère et tendre. Je sais que ça se faisait beaucoup à l'époque... mais qui (surtout, en pleine navigation de bateau) écrit une lettre de deux-cents pages, dans laquelle se trouve le récit de Frankenstein, mais également le récit de sa créature (et heureusement, ça s'arrête là niveau poupée russe) ? Je chipote sans doute, je ne remet peut-être pas assez dans son contexte. « Frankenstein » était du jamais-lu pour l'époque, rien que pour les thèmes et les sentiments abordés. On peut alors lui pardonner ses quelques défauts. Frankenstein ne fait plus peur aujourd'hui, nous vivons avec... c'est juste que nous ne le comprenons plus.