Frankie Addams par Lybertaire
« L’été vert et fou », c’est celui de mes douze ans en Géorgie. La neige, c’est Winter Hill où mon frère va se marier, et je veux partir avec lui. Je suis insignifiante, je suis seule et prisonnière de mon identité, de mon corps et de mon nom.
Frankie Addams a douze ans et a été exclue des clubs de fille de sa petite ville des États-Unis. Au cours de ce long été, le temps s’enfuit inexorablement dans la cuisine crasseuse où Berenice raconte sa vie avec ses quatre maris, un œil de verre tourné vers le passé, l’autre noir tourné vers l’injustice de sa condition de femme noire. John Henry, du haut de ses six ans, suit Frankie dans sa mue mais, ni une enfant ni une adulte, l’adolescente se sent abandonnée, prise dans la torpeur et l’immobilité de sa vie.
Mais mon frère, qui a vécu deux ans en Alaska, se marie dans deux jours à Winter Hill ! Winter Hill, drôle de nom ! Là-bas il y a de la neige et il fait froid. Ici c’est de la folie…
Frankie devient obsédée par le mariage de son frère. Littéralement, elle est « amoureuse du mariage », qui s’immisce dans son esprit comme une échappatoire à l’été brûlant : elle suivra son frère à Winter Hill et ne reviendra jamais, jamais dans cette cuisine où la nappe est poisseuse, où les murs sont graffés des dessins hallucinés de John Henry.
Entre le blanc et le vert, « la neige et l’herbe », le froid et le chaud, l’Alaska et la Géorgie, Frankie vit les derniers instants de l’enfance et voit se profiler l’âge adulte.
Apeurée mais agitée par ce bouleversement intime, Frankie se met en danger. Une menace sourde car elle aiguise impatiemment ses couteaux dans sa chambre, et sait où est caché le revolver de son père. Le temps se dilate, la narration traîne un peu, tout comme l’été de Frankie. Elle est en voie d’éclore, au terme de ce chaud été de folie… Elle a décidé qu’il était temps de se jeter dans le monde, mais le cap de l’enfance sera difficile à franchir.
Si le sujet est banal parce que vécu par chacun de nous – qu’on est libre d’aimer ou pas –, l’acuité, la force, la profondeur des questionnements sur l’identité font de Frankie Addams l’un des romans les plus justes sur l’adolescence.
La critique sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/frankie-addams-carson-mccullers-a80136652