Freedom par Nina in the rain
Y'a des fois, comme ça, on se sent OVNI. On n'aime pas des romans encensés, on s'ennuie avec des best-sellers ... Et on a le choix : soit se retrancher dans sa hauteur et dire que « décidément, le grand public, ce n'est pas pour moi » ou alors s'avouer snob. Personnellement, je vis bien ma snobitude. Mais pour Freedom, je suis très embêtée. Une fois de plus, je prends mes amies blogueuses à rebrousse-poil, mais les avis sont inversés par rapport à d'habitude. Parce que moi, je le dis haut et fort, j'ai ADORÉ Freedom. Pas apprécié, pas juste aimé, adoré. J'ai été littéralement transportée par ce roman, par ces personnages qui m'ont semblé tellement vivants. J'ai eu l'impression de revivre ma rencontre avec John Irving, de rentrer dans ce monde qu'à mon sens seuls les auteurs américains savent créer.
Franzen décrit la vie d'une famille entre les années 80 et aujourd'hui. Patty, la mère, névrosée comme nous le sommes tous, Walter, le père qui va tout envoyer balader pour se consacrer à la protection des oiseaux, Jessica et Joey, leurs enfants, si semblables dans leur révolte et à la fois si différents dans les moyens qu'ils mettent en œuvre pour la montrer ou la combattre. En même temps qu'une description quasi-clinique de la tombée dans la dépression de Patty, on voit émerger dans le roman un genre que je n'avais pas souvent vu : cette femme, qui a décidé d'être mère au foyer, bat en brèche tous les clichés de la littérature de genre. Plutôt démocrate, elle aime ses enfants et son mari mais ne supporte plus sa condition. Et ce n'est pas parce qu'elle veut changer de vie qu'elle est tout d'un coup une mauvaise mère, qu'elle se vautre dans le stupre ou qu'elle se jette sur la nourriture ou les achats compulsifs de vêtements. Patty, elle est humaine. Pour mettre de la distance entre le monde et elle, elle ne part pas dans un monde imaginaire merveilleux : elle boit trop, comme tout un chacun. Elle m'a réellement beaucoup touchée.
Walter, lui, est tout à fait différent et, finalement, extrêmement surprenant. Au début du roman, il a tout du bon garçon : père alcoolique, mère malade, des problèmes pour se lier avec les filles ... Et au fur et à mesure, il se révèle immensément riche d'émotions et de possibilités. Il se lance dans ce qui l'a toujours intéressé : la protection de la nature. Mais par un biais intéressant et qui est en même temps la hantise de tous les écologistes, mais aussi de toutes les ONG : manipulé par un magnat du pétrole, il perd de vue les moyens pour arriver à sa fin et en vient à détruire des hectares de terres pour construire à long terme un espace protégé. Il se transforme en « vilain Satan » pour faire le bien et le questionnement de Franzen autour de cette attitude m'a fascinée. Personne à ma connaissance n'avait jamais repris cela dans un roman. Les héros sont méchants, ou méchants en voulant être gentils, c'est rare... Et du coup il est, lui aussi, infiniment touchant.
Quant à Joey, pour moi c'est probablement le personnage le plus flippant du roman. Élevé par des parents bizarroïdes mais de gauche, il va devenir l'archétype du jeune républicain et à des moments il est à baffer. Mais en même temps, son histoire avec Connie est splendide parce le fait même qu'elle n'est pas idéalisée. Ce garçon est impressionnant par ses réactions qui, même si elles sont probablement différentes de celles que je prendrais, me paraissent extrêmement mûres. Au fond, c'est un petit adulte de 17 ans qui va se retrouver embringué dans une situation qu'il n'imaginait pas par jeu puis par sens des responsabilités envers sa compagne.
On le comprend au terme de ce long post (en même temps, le roman fait 700 pages, je ne pouvais pas en parler en 140 caractères), j'ai été remuée, fascinée, émue et transportée par Freedom. À mon sens, c'est l'un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire, et il va rester à mon Panthéon de l'année 2011. Il ne me reste plus qu'à me montrer aussi folle que d'habitude et... à lire tous les autres romans de Franzen !
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