La rentrée littéraire sur les radios de l'Arc jurassien

Freedom, c'est la liberté. La liberté de se reproduire, celle de se soûler, de s'affranchir de l'éducation de ses parents, de donner son amour de manière inconditionnelle et presque malsaine. Celle de tromper son mari, d'être quittée et de retrouver une liberté oubliée depuis longtemps. Celle de se faire un paquet de pognon de manière plus ou moins légale, sur la guerre en Irak. De devenir une rock star sur le tard après avoir baisé la femme de son meilleur ami. Celle de se battre pour restreindre la liberté des autres au nom d'une cause plus importante. De tromper sa femme dépressive avec son assistante. Et de se découvrir trompé à son tour par le trust qui nous emploie.

Tous ces éléments font partie de Freedom, qui tourne autour de la famille Berglund, pendant près de 40 ans. On suit Patty et Walter quasiment toute leur vie, avec leurs erreurs et leurs désillusions de jeunes époux et parents.
Patty, qui s'épanouit comme mère au foyer, sombre dans la dépression une fois les enfants devenus grands. L'épouse et la mère parfaite qui a choisi Walter plutôt que son meilleur ami quel trouvait plus attirant, se demande, maintenant qu'elle est seule à la maison, si elle a choisi le bon, si elle n'aurait pas dû partir avec Richard, le musicien qui n'avait pas de respect pour les femmes.
Walter, fou de sa femme, mais qui se retrouve démuni face à des questionnements auquel il ne peut répondre, se lance dans un nouveau combat : sauvegarder les territoires de reproduction de la paruline azurée, petit oiseau migrateur dont un milliardaire s'est entiché et a fait de Walter le directeur général de son Trust. Mais sous couvert du Trust, Walter monte un projet d'information pour les jeunes générations : Free Space, qui prône la dénatalisation.

En dressant cette fresque familiale, Franzen crée un parallèle intelligent sur la politique et la culture sociale américaines des années 70 à nos jours.
Il fait de Patty le personnage de loin le plus intéressant. Poussée par son thérapeute, elle écrit son autobiographie, qu'elle destine au «lecteur», et alors que vue de l'extérieur elle apparaît comme légèrement excentrique et inintéressante, de l'intérieur elle est fascinante, elle s'analyse d'une manière très critique et touchante, et tous ses efforts pour faire mieux (que ses parents, qu'elle-même plus jeune, que son mari) en font le personnage clé du roman, celui par qui tout arrive et qui permet de tout lier.

Freedom, c'est 700 pages de décorticage de la génération post soixante-huitarde, qui sous couvert de liberté a voulu faire le contraire de ses parents. Qui est persuadée que l'amour inconditionnel d'une mère ne peut pas être malsain, comme laisser tomber tous ses rêves à cause de ce même amour. La liberté de Franzen, c'est celle que l'on s'octroie, mais qui nous ligote ensuite. Celle qu'un état donne, mais qui a des conséquences désastreuses, comme les interventions en Irak.

Franzen nous rappelle que la liberté est difficile à gérer, parce que l'être humain a besoin de repères, de limites, et l'équilibre entre trop et pas assez est parfois très mince.