Un homme ayant offert aux cinéphiles du monde entier des monuments comme "French Connection", "L'exorciste", "Sorcerer" ou "To live and die in L.A.", un homme ayant permis à un condamné à mort d'échapper à la chaise électrique, ayant mis une grande partie de son équipe en grands dangers à plusieurs reprises et ayant écumé les boîtes SM et les repaires les plus louches dans le seul but d'en faire un film, doit forcément avoir quelque chose à dire.
Ca tombe bien, cet homme c'est William Friedkin et il a énormément de choses à dire. Mais attention. Comme il l'explique lui-même au début de "Friedkin Connection", son autobiographie publiée récemment, il n'est pas là pour servir la soupe à nos instincts voyeuristes, à notre soif de ragots en tous genres. Si c'est des potins salaces que vous cherchez ici, vous vous êtes plantés d'adresse.
Le cinéaste de "Killer Joe" évite effectivement de revenir sur les conflits mythiques ayant émaillés sa carrière, ou sur ses méthodes que tout le monde connait déjà. Il n'est pas non plus ici pour casser du sucre sur le dos des autres. La seule personne qui s'en prend la gueule ici, c'est William Friedkin lui-même.
Souvent considéré comme misogyne, homophobe et tyrannique, Friedkin étonne ici en jouant carte sur table, en faisant preuve d'une honnêteté et d'une lucidité qui laisse sans voix, le cinéaste ne se posant jamais en victime ou en génie incompris, reconnaissant qu'il doit sa longue chute à lui seul et à personne d'autres, et regrettant d'avoir mis fin à de longues amitiés par sa seule bêtise.
De son enfance à sa longue traversée du désert suite aux échecs fracassants de "Sorcerer" et de "Cruising", en passant par ses débuts dans le documentaire, par le phénomène "Exorciste" et par sa reconversion dans la mise en scène d'opéra, Friedkin effectue une sorte de bilan forcément amer (voir même douloureux quand il revient sur l'acquittement d'un homme qu'il a lui-même contribué à sauver mais dont il doute aujourd'hui de l'innocence), mais jamais haineux, nous plongeant tête la première dans les méandres de cette hydre aux multiples visages qu'est Hollywood.
Sincère et jamais avare d'anecdotes sympathiques, "Friedkin Connection" est le portrait fascinant d'un microcosme névrosé et vampirique, et surtout le portrait d'un des plus grands francs-tireurs d'Hollywood, immense cinéaste qui avait tout pour être le roi mais qui redescendra bien vite de son piédestal à force de cumuler égocentrisme, comportement inadmissible, méthodes douteuses et bides commerciaux.