A la lecture de ces mémoires, parues originellement en 2022, qui se douterait que Matthew Perry serait mort un an plus tard ? En tout cas, la sortie de la version poche le 08 Novembre 2023, est une curieuse coïncidence (la date est choisie bien en amont), car elle est parue une dizaine de jours après la fin tragique de son auteur.
D'où une curieuse sensation en lisant cette incroyable histoire où la mort est sans arrêt présente, avec Matthew Perry parle fréquemment de sa propre fin, en espérant qu'elle arrive le plus tard possible, mais on sent que le drame était déjà prêt à arriver. Pour dire la vérité, ça faisait longtemps que je n'avais pas été autant ému par un livre, qui semble venir des tripes, car on sent que toute cette souffrance, cette chose terrible qu'appelle Perry (son addiction aux opiacés) est vomie à longueur de page, pour au final être le portrait d'un homme qui n'a jamais jamais été vraiment heureux.
Dès sa naissance, ses parents ont divorcé, et Matthew a voulu suivre très tôt son père, un acteur de publicité afin de devenir comédien à son tour. De figurations en petits rôles, l'acteur a trimé avant d'avoir ce qu'on appellera le rôle de sa vie : Chandler Bing, qu'il a failli ne pas jouer à cause d'un conflit avec une autre série n'ayant pas dépassé le pilote d'ailleurs. Mais la surprise du livre est au fond que ça parle assez peu de Friends à proprement parler, mais surtout de ses difficultés durant les tournages, où l'acteur fit de fréquents séjours en cure de désintoxication, son poids fluctuant (où il a pris près de 45 kg !), mais surtout d'une amitié indéfectible avec ses cinq autres partenaires de jeu, en particulier Lisa Kudrow qui signe d'ailleurs la préface. Il parle un peu de sa carrière au cinéma, mais au fond, ce qu'il raconte, c'est le portrait d'un homme en manque. En manque d'affection, d'amour, de famille, tout seul dans son immense villa sur les hauteurs de Los Angeles à se défoncer, comme si la réussite professionnelle durant ces dix ans (1994-2004) ne suffisaient pas ; il lui fallait autre chose. Par ailleurs, on voit toutes ses tentatives désespérées de revenir au premier plan dans des séries qui bideront très vite, comme Studio 60 on the Sunset Strip, Go On ou Mr Sunshine, dans des films où il apparaissait (c'est lui qui le dit), dans un état second, entre antalgiques et opiacés.
D'où des problèmes de santé très importants, dont une perforation du colon à la fin des années 2010 qui a manqué de l'emporter, et l'ayant contraint à porter un sac de colostomie durant plusieurs mois. Le tout raconté avec humour et ironie, tout en faisant appel au lecteur, mais derrière ce sourire de façade, on sent quand même un homme brisé. Comme quoi, l'argent ne fait pas le bonheur... Le livre se finit d'ailleurs de façon déchirante en espérant qu'il va remonter la pente, après avoir refusé un rôle dans Don't look up car à ce moment-là, il était hospitalisé en Suisse pour fuir les paparazzis, avec aucun projet en vue : d'ailleurs, sa dernière apparition était une mini-série sur les Kennedy en 2017. Si on excepte bien sûr ses retrouvailles avec les autres Friends lors d'une émission en 2021 où physiquement, il était méconnaissable.
Loin d'être un livre à sa propre gloire, Matthew Perry s'est livré sans fard sur ses douleurs, ses amours (et il a eu bien des conquêtes, à commencer par Julia Roberts ou Gwyneth Paltrow), mais c'est une grande tristesse qui parcourt la lecture de ces mémoires.