Une infinie tristesse : c'est ce que j'ai ressenti à l'annonce de la mort de Matthew Perry, et quelques semaines plus tard, je revis cette même sensation à la lecture bouleversante de ses Mémoires.
Je savais Matthew Perry Maître dans l'art de jongler avec les mots ; j'étais néanmoins loin, très loin de me douter que j'allais éprouver page après page, une douleur vive à la lecture de son histoire au-delà du tragique.
Je tiens à préciser une chose importante : jamais dans ce livre, l'acteur ne se prête au jeu du pathos ou de l'auto-apitoiement. Au contraire : c'est un homme réfléchi qui dresse le tableau d'une vie marquée du sceau de la souffrance, de laquelle il n'aura jamais réussi à s'extirper.
Je savais bien évidemment qu'il avait souffert de terribles addictions, mais l'origine de celles-ci font froid dans le dos. Alors qu'il n'est qu'un bébé de 1 mois, le petit Matty souffre de coliques qui le font pleurer en permanence et sur les "bons conseils" d'un médecin de pacotille, du phénobarbital lui est prescrit, pour calmer ses crises. L'enfant à peine né est donc mis sous barbituriques (une molécule utilisée depuis 1910 à visée anti-convulsivante, sédative et hypnotique, avec de dangereux effets secondaires !!!). Une aberration qui choque et (me) révolte.
Matty est un nourrisson drogué, amorphe, sans vie. Première expérience avec un médicament qui va détruire sa santé, nuire à son sommeil et probablement être le terreau fertile de ses nombreuses addictions à venir. Des addictions qui seront hélas ses plus fidèles compagnes tout au long de sa vie.
A l'âge de 9 mois, nouvelle expérience traumatique : son père - essoufflé par son couple en bout de course et aux prises avec un désir de devenir acteur à LA - abandonne fils et compagne pour mener à bien ses rêves de gloire. Et c'est ainsi que toute sa vie, Matthew aura une peur panique de l'abandon (au point d'être celui qui quitte à chaque fois, pour justement éviter que ce ne soit lui qui soit quitté - à nouveau).
Dans ses années adolescentes, Matthew fait la connaissance de nouvelles amies : les cigarettes et l'ivresse. Il faut dire qu'il est à bonne école : un arrière-grand-père alcoolique, un père (qu'il revoit) qui se sert chaque fin de journée "six vodkas tonic" tout en étant parfaitement fonctionnel le reste du temps. Matthew plonge dans l'alcool, mais lui ne fonctionne pas : il rate des castings et fait de petites apparitions sans véritablement percer.
Friends et son succès sont loin de lui apporter la sérénité qu'il espérait tant et il continue de plonger. Il multiplie les drogues, les quantités, les séjours en cure de désintox, les passages sur le billard.
Je pourrais à l’envi continuer de narrer les anecdotes de l'acteur-auteur, mais le mieux à mon sens est de prendre le temps de lire cet opus, qui sera donc son œuvre finale. L'émotion, je vous le souhaite, sera présente pour vous au fil des pages.
Jamais Matthew ne se sera senti bien, et encore moins, heureux. Ni la gloire, ni la célébrité, ni ses amis, ni ses compagnes n’auront réussi à combler le vide abyssal qui l’a toujours habité. Sa plus grande crainte était de se retrouver seul face à lui-même et ses addictions (impossibles à guérir) étaient là pour combler artificiellement ce silence qui le terrifiait.
Au terme de la lecture de ce livre, j'ai l'impression d'avoir quitté un ami. Je ne le dis pas pour faire un bon mot : je le pense sincèrement. Rares auront été les biographies qui m'auront laissé cette sensation.
S'il était une chose à retenir de son livre : derrière le rire éclatant et les vannes ciselées que nous offrait l’acteur, l’homme était en proie à la douleur et in extenso, face à l’impossibilité du bonheur.
Repose en Paix Matthew et merci pour ce livre plein de ta grande sensibilité.