Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur, mais quand on m'a dit que ça pourrait me plaire j'ai tenté le coup. Pourtant le roman fait dans les 730 pages, il n'est pas de ceux que l'on lit en une nuit. C'est probablement en partie ce qui fait son charme d'ailleurs. L'univers m'a rapidement fasciné. L'intrigue se déroule dans quelques siècles, à une époque où l'être humain manipule son propre génome et se donne la jeunesse éternelle. Il n'y a plus d'états, mais des confédérations à l'échelle des continents sont apparues. En Europe, toute personne est éternellement jeune, à moins de se reproduire. Dans ce cas, un des parents doit se faire injecter un sérum vieillissant (mortel au bout de dix ans en moyenne). C'est la loi du choix, pour que son eau, sa nourriture, et même l'espace qu'il occupe sur Terre, soit disponibles pour son enfant. Oui parce qu'à l'époque de Jan, il y a 240 milliards de personnes sur Terre. D'ailleurs il n'y a plus de terre véritable, il n'y a plus que de grandes tours bétonnées ou s'entassent des milliers de personnes. Même dans les cimetières on ne peut plus rien enterrer, seul un cheveu du défunt est conservé.


Le personnage principal et narrateur de Futu.re, Jan, est un immortel. Il est éternellement jeune, comme tous les habitants d'Europe, mais il appartient de plus à un organisation secrète, bien que connue de tous, les immortels. Cette organisation est chargée de faire respecter la loi du choix, en administrant de force le sérum vieillissant aux parents qui auraient voulu y échapper. Habitant un cube de deux mètres de côté, égoïste, grossier, violent, incapable de dormir sans somnifères, adepte de tequila bon marché et de prostituées fétichistes, c'est une sorte d'archétype ambulant du raté agressif. Le genre de type qui vous ouvre l'arcade sourcilière quand on est derrière lui dans une file d'attente et qu'on lui fait remarquer qu'il rêve et qu'il bloque la file. Son destin, si on peut appeler ça un destin, bascule quand il est impliqué dans les manigances du parti de l'immortalité et du parti de la vie (ces partis étant basés sur l'acceptation de la loi du choix ou non). Un des meneurs du parti de l'immortalité envoie Jan liquider un des meneurs du parti de la vie, mais ça ne se passera pas comme prévu. Heureusement, sinon il n'y aurait pas d'histoire.


Ce roman est résolument opposé à l'application de méthodes comptables pour le traitement des êtres humains, et à travers les péripéties que vit Jan dans son univers fantasmé, Dmitry Glukhovsky parle de sujet parfaitement d'actualité dans notre univers réel. Le traitement des migrants, la modification du génome humain, les limites au-delà desquelles les états ne peuvent pas aller sans nuire à toute la population (je pense en particulier aux milices), et même la religion, avec ses forces et ses faiblesses. On n'est heureusement pas toujours dans la réflexion : 720 pages sur le génie génétique, ce serait un peu fade. D'un parc d'attraction en Toscane à une usine de production de viande de bison, en passant par une ville de Barcelone coupée de l'Europe, et avec de nombreux flashbacks sur la vie antérieure de Jan, qui le rendent un peu plus humain que la caricature qu'il est au début du livre, l'intrigue dépeint des personnages parfois attachants, parfois repoussants. Parfois même les deux en même temps. Il y a également les assez classiques rebondissements, trahisons, nemesis et histoires d'amour. On a même une caricature assez hilarante des relations internationales, avec une guerre nucléaire entre l'Inde et le Paksistan, qui continue chez les rescapés des deux pays, mais aussi des Russes autocratiques jusqu'au bout des ongles, des Européens manipulés par la télévision (et une ville de Barcelone indépendante du reste de l'Europe), des Africains qui disent ce que les Européens leur disent de dire, et des Chinois qui achètent des bouts de Russie et qui s'installent sur les terres irradiées de l'Inde. Sans oublier bien sûr les Américains donneurs de leçons et qui pensent d'abord à l'argent.


C'est rafraîchissant, et en général très bien vu, mais ça reste pour moi des éléments secondaires. La société pourrie que dépeint Glukhovsky, c'est plus ou moins celle que l'on a déjà. Il n'a fait que changer deux ou trois détails pour faire croire qu'il parlait d'autre chose, mais ce n'est pas un roman de science-fiction, c'est une critique sociale déguisée en roman de science-fiction (très bien fait au demeurant, quelqu'un qui n'a pas envie de réfléchir aux thèmes que pousse devant lui l'auteur peut tout a fait ne pas s'y arrêter, et trouver le roman bon tout de même, mais il passe à côté d'un de ses gros points forts).

Kehldarin
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le 10 nov. 2015

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Kehldarin

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