Avec Globalia, Jean Christophe Ruffin s'est interrogé sur la dualité d'une démocratie subvertie ( sous un visage rassurant, celle-ci dépossède ses citoyens de certaines de leurs libertés fondamentales) tout comme il avait si bien décrit les dérives extrémistes de l'écologie dans le parfum d'Adam. Ce qui plaît, c'est de voir la résonance avec notre société actuelle avec des séniors qui ont pris le pouvoir et repoussent leurs vieillissement avec le clonage ou d'autres progrès médicaux, un langage politiquement correct comme pour décrire un licenciement ( "une accélération de carrière") ou encore ces jours pour fêter la pluie (car on maîtrise la météo) ou les enfants ( qu'on trimballe sur des chars comme des mini rois alors que la population est en pleine débauche). A vrai dire, l'auteur nous montre que notre société tend les bras à cette anticipation désastreuse.
En ce qui concerne l'histoire en elle-même, elle est éternelle puisqu'elle décrit une société qui choisit de se trouver un bouc émissaire pour faire diversion. Ce sera Baïkal dont la seule erreur aura de trop parler à Altman, sinistre figure puissante et fortunée. Bien sûr, Ruffin ne s'arrêtera pas là pour décrire d'autres manipulations de grande ampleur à l'intérieur des non-zones. Je vous laisse les découvrir. L'intérêt de ces no man's land à l'extérieur de Globalia étant de nous montrer comment des territoires qui ont tout (infrastructures, richesses, emplois) asservissent d'autres en les laissant survivre avec le peu qu'ils ont. Ca ne vous rappelle rien?
Pas idéaliste pour un sou, l'auteur rappelle aussi le rouage essentiel et inaltérable des "mafieux" qui maintiennent les intérêts des puissances en place. Ces dernières n'étant à l'origine que des abus d'une pseudo démocratie nauséabonde.
Heureusement au milieu de ces immondices morales se dressent des gens qui luttent à l'image de Kate, Puig,Paul Wise, Helen ou Fraiseur ( dont l'histoire amalgamée est un des grands moments de l'histoire). Leurs combats rassurent sur le devenir d'une humanité qui refusera de plier, sur l'initiative personnelle et l'indépendance d'esprit. Leurs souffles de liberté permettent au lecteur de surnager en eaux troubles et de ne pas flancher dans la dépression face à ce tissu sociétal dévasté auquel on ne veut plus permettre l'espoir d'un changement.
Lecture dense, prenant des directions parfois insoupçonnées, Globalia ose le romanesque dans l'anticipation et la critique de notre système démocratique dévoué à la communication tout en laissant l'épanouissement de ses individus sur la chaussée. Les mots prophétiques de Paul Wise, amoureux des livres et du libre-arbitre sonnent comme un avertissement qu'il ne faudrait pas prendre à la légère non plus. Si vous voulez réfléchir, aimez les édifices qui mettent à mal les fondations d'un système sclérosé, n'hésitez pas à lire Globalia.